- ghjattuvolpa a écrit:
Pas d'accord sur les produits identitaires marginaux, c'est même une tendance forte de production.
plus ou moins en relation avec ce qu'on disait :
Le fromage de Salers, ou la difficulté de concilier tradition du terroir et sécurité sanitaire
LE MONDE | 16.02.05 | 15h20
Aurillac (Cantal) de notre envoyée spéciale
Quand Gilles Benech, producteur de fromage de Salers dans le Cantal, a reçu la lettre des services vétérinaires, ce fut "comme un coup de poignard dans le dos". "J'ai toujours eu l'impression de faire mon travail sérieusement", explique-t-il. OAS_AD('Middle');
Comme la majorité des producteurs de salers (une centaine de personnes), M. Benech s'est vu retirer la dérogation qui l'autorisait à fabriquer son fromage dans une gerle en bois, un récipient traditionnel qui sert à recueillir le lait pendant la traite des vaches. La raison de cette mesure : des analyses bactériologiques non conformes, pratiquées à des stades précoces du processus de production, notamment au moment où les fromages frais quittent les fermes pour les caves d'affinage. Or les fromages finis, soumis après trois mois de maturation à de nouveaux contrôles, ne présentent aucun danger pour les consommateurs.
En 2004, la gerle a donc été remplacée par de l'inox, plus facile à nettoyer. Mais, selon les producteurs, sans gerle il n'y plus de salers. "Grâce à ce récipient en bois, chacun arrivait à donner un goût particulier à son fromage", explique Gilles Benech. Son collègue, Jean-Paul Bonal, va plus loin. "On ne s'y prendrait pas autrement si on voulait flinguer la filière", affirme-t-il.
C'est une petite production, qui compte seulement 95 producteurs, installés sur la zone volcanique du Cantal, avec 1 400 tonnes produites chaque année. Les fourmes à la croûte dorée pèsent 40 kilos.
La filière cumule deux particularités : elle est saisonnière et fermière. Pour avoir droit à l'appellation d'origine, le fromage doit être produit à partir de lait de vaches nourries uniquement par les herbages de la zone volcanique du Cantal, et fabriqué entre le 1er mai et le 30 octobre. Il est uniquement produit à la ferme, de façon artisanale.
La vache n'est pas obligatoirement de race salers. C'est même plutôt rare, tant celles-ci sont difficiles à mener : elles réclament une première tétée de leur veau pour donner du lait. Le salers est donc un cousin du cantal, plus parfumé, plus typique, plus cher aussi. Chaque ferme produit son cru, affirment les producteurs.
Face à l'attrait des éleveurs pour cette production, plus rémunératrice que la livraison de lait pour le cantal, la filière a durci, en 2000, les conditions d'attribution de l'AOC, en introduisant notamment l'usage obligatoire de la gerle en bois. Cet usage repose sur une dérogation, car le bois est normalement exclu de la fabrication des froma- ges au lait cru. Ceux qui travail- laient dans l'inox, minoritaires, ont eu un délai pour se mettre aux nouvelles normes, qui expiraient le 1er janvier 2003. C'est à ce moment que la production de salers est entrée dans une zone de turbulences. Selon de nombreux producteurs, la déstabilisation est venue des plus gros d'entre eux, utilisateurs de l'inox, qui refusent de passer au bois. "Ce qui les intéresse, c'est de produire un maximum de salers en un minimum de temps", affirme Gilles Benech. "L'inox est une matière lisse, neutre, qui nous oblige à utiliser des ferments lactiques, souligne M. Bonal. Il amène une banalisation du produit, qui risque de niveler toute la filière."
"Tous les chemins pour améliorer nos problèmes sanitaires nous amènent vers l'industrialisation", assure, de son côté, Michel Veschambre, ancien président du Comité interprofessionnel des fromages du Cantal (CIF). Pour retrouver leur dérogation, les producteurs devront améliorer leurs résultats sanitaires. "On ne peut pas reprocher à la direction des services vétérinaires de faire appliquer la réglementation", concède Charles Perrot, président du CIF.
Les services de l'Etat savent que les contrôles ne prennent pas en compte la particularité de ce fromage, qui quitte les fermes au bout de quelques jours pour aller dans des caves d'affinage. Ils attendent malgré tout une amélioration des résultats sanitaires des producteurs, qui passe notamment par la conduite des troupeaux et l'hygiène de la traite.
S'ils veulent continuer à travailler selon les méthodes artisanales, les producteurs sont donc condamnés à devenir exemplaires sur le plan sanitaire. "L'essentiel, c'est de ne pas toucher au décret", affirme M. Veschambre. Le bois reste, selon la plupart des producteurs, un outil d'avenir.
Gaëlle Dupont