"On préfère rejeter la faute sur l'arbitre plutôt que reconnaître son insuffisance" Par
BrunoDerrien (Express Yourself), publié le 02/03/2012 à 10:09, mis à jour à 10:10
Après la dernière journée de Ligue 1, plusieurs clubs comme Lyon et Caën ont fustigé l'arbitrage. Pour Bruno Derrien, ex-arbitre international, il faut revoir le système avant de jeter la pierre aux hommes.
[Express Yourself] "Le football est un sport magnifique...dommage qu'il y ait parfois les arbitres". Telle est souvent la ballade des dirigeants malheureux les soirs d'amères défaites. Le corps arbitral est régulièrement jeté en pâture par certains acteurs du football en mal d'arguments et d'autocritique. Mais il ne faudrait pas trop vite le sacrifier sur l'autel de son incompétence présumée, bienvenue à l'heure de décliner tout responsabilité.
Lors de la dernière journée de Ligue 1,
il en fut ainsi du côté de Lyon, de Rennes, et de Caen notamment.
Le questionnement sur la pertinence de ses choix techniques, tactiques et stratégiques devrait pourtant être le premier réflexe à avoir pour tout dirigeant ou entraîneur confronté à la déconvenue. Mais reconnaître la supériorité de l'adversaire ou admettre sa propre insuffisance n'est pas monnaie courante. On préfère donc rejetter la faute sur l'arbitre.
"Ne faisons pas le procès de ces hommes"
Les hommes en noir ne méritent pas d'être mis sous la lumière des lampes d'interrogatoire. Sans eux, les rencontres ne pourraient se tenir. Sans eux régneraient l'anarchie et, parions-le, l'injustice.
Depuis des années, le rythme du jeu s'est accéléré, les enjeux financiers se sont multipliés, les attentes et la pression autour des matches ont explosé... Mais le système d'arbitrage est demeuré le même ou presque. Là où le nombre de caméras est supérieur au nombre d'acteurs sur la pelouse, le corps arbitral apparaît rachitique pour ne pas dire décharné. Au pays de la médiatisation reine, l'arbitre est un valet et sa soif de reconnaissance agace.
Ne faisons donc pas le procès de ces hommes, jamais aussi humains que dans l'erreur. Comment juger mieux, en une fraction de seconde, et à l'aide d'une seule paire d'yeux, ce qu'une caméra capte et décortique à l'envie? Mission impossible. Plus que des hommes, c'est un système qui est à pointer du doigt, parce que dépassé.
"Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il y a si peu d'arbitres autour d'un terrain"
J'ai tendance à croire que la majorité des partisans de
l'arbitrage vidéo ne sont pas foncièrement dogmatiques. Et que leur appel à la vidéo ne répond pas à un amour sans fin de la vidéosurveillance. Sinon d'une plus grande justice. Laquelle nous réunit tous.
Au pays de la médiatisation reine, l'arbitre est un valet
Parce ce qui les fait se lever de colère et d'indignation, au point de réclamer le recours à la technologie, c'est une décision arbitrale manifestement erronée dans une rencontre plus chargée en émotions que la moyenne, telle
le but de l'anglais Lampard injustement refusé en Coupe du Monde en Afrique du Sud -preuve que l'on ne se trompe pas seulement en France. Une erreur évitable par le recours à une assistance technique ou humaine supplémentaire.
En effet, je n'arrive pas à comprendre pourquoi il y a si peu d'arbitres autour d'un terrain de football, alors que l'espace de jeu y est tellement vaste. Des sports comme le tennis ou le basket-ball sont davantage encadrés alors que l'aire de jeu est nettement plus petite. N'est-ce pas incompréhensible?
Michel Platini, président de l'UEFA, prône une autre solution, moins radicale. Elle consiste en l'ajout de deux arbitres supplémentaires pour aider l'arbitre central en surveillant mieux les surfaces de réparation, dites zones de vérité, d'où surgissent toutes les polémiques. Elle sera appliquée lors du prochain Championnat d'Europe.
"Accordons donc notre confiance à Michel Platini"
Si elle ne perturbe pas le système actuel, elle n'éliminera pas non plus complètement les injustices. Néanmoins, la réduction des erreurs sera déjà une belle avancée et permettra de ne pas déshumaniser l'encadrement de ce jeu.
Accordons donc notre confiance à Michel Platini. Ainsi qu'à Noël Le Graet, président de la FFF, qui a promis une vraie réforme de l'arbitrage français afin que celui-ci retrouve ses lettres de noblesse et un rang plus digne à l'échelle mondiale.
Et ayons le sens de l'Histoire, qui a meilleure mémoire que nous. La France ne s'est-elle pas
qualifiée pour la Coupe du monde 2010 sur une erreur d'arbitrage? Le sentiment d'être spolié par une erreur d'arbitrage est partie prenante de ce sport et de la théâtralité qui fonde son addiction et déchaîne les passions.
Sa grandeur et son universalisme réside dans les émotions qu'il suscite: haine, honte, dégoût; joie, ivresse, folie. Sentiment d'injustice, parfois. Alors oui, militons pour une 18e loi du jeu, celle du respect de l'esprit sportif sans laquelle on finira par assassiner la beauté de ce sport et tuer dans l'oeuf les valeurs qui ont présidé à sa naissance
- Citation :
"Redresser la barre"
Depuis 2006, plus aucun arbitre français ne figure dans le top 10 mondial. Et plus un seul ne s'invite dans les derniers carrés des grandes compétitions depuis cette date également. Ces critères de jugement, véritablement objectifs, témoignent du lent mais véritable déclassement de l'arbitrage national.
Consignes de pré-saison souvent mal appliquées, mauvaise communication régulièrement dénoncée, manque de finesse psychologique déploré, suffisance dénoncée, la liste des griefs est longue. Sans compter les luttes intestines qui cristallisent l'appel au changement.
Acculé, l'arbitrage français doit redresser la barre au plus vite sous peine de voir le fossé se creuser encore un peu plus chaque week-end entre lui et les autres acteurs du football.