Insécurité : l'échec de Sarkozy, la preuve par ses chiffres. Vendredi 30 juillet à Grenoble, Sarkozy l'a rappelé : «depuis 2002, je suis en première ligne dans la lutte contre l'insécurité.» Puis, il s'est très rapidement, trop rapidement tressé quelques lauriers. Voici donc une actualisation, sur la base du dernier bilan mensuel de l'ONDPR de juin dernier, du vrai bilan de Nicolas Sarkozy en la matière.
Mardi puis mercredi, certains responsables de l'UMP ont été sonnés par l'avalanche de critiques aux surenchères sécuritaires du weekend.
Eric Besson, ministre de l'identité nationale, a expliqué qu'il était «
relativement» aisé d'élargir le périmètre de la déchéance de la nationalité, une façon de répondre à ceux qui avançaient
l'inconstitutionnalité de la mesure. En sortant du dernier conseil des
sinistres ministres de la saison, Nadine Morano a répliqué que les socialistes avaient eux-même étendu la sanction aux terroristes en 1998. Elle s'est faite contredire dès le lendemain. A l'étranger,
on pouvait lire dans le Guardian britannique que Sarkozy incitait à la haine raciale. Partout, la grossièreté de la diversion a été rapidement identifiée et commentée.
Rares ont été ceux qui ont profité de l'occasion fournie par le chef de Sarkofrance pour rappeler son propre bilan en matière de lutte contre l'insécurité et la délinquance. L'
ONDPR découpe la délinquance en quatre catégories.
1.
Atteintes aux biens (faits constatés de vols et de destructions et dégradations) : 3 059 062 actes en 2002 ; 2 708 934 actes en 2004 ; 2 227 649 en 2009, et 2 189 140 à fin juin 2010 (sur 12 mois glissants, soit 47 871 actes de moins en un an).
Cette baisse significative est
l'argument principal de la Sarkozie, l'arbre qui cache la forêt, la cause première de la diminution générale de la délinquance. En fait, l'action sarkozyenne a peu à voir avec cette amélioration: la plupart des mesures sarkozyennes depuis 2002 visent des cas extrêmes ou de violences aux personnes, ceux-là même qui sont en progression constante depuis 2002.
Dans le détail, les vols représentent l’essentiel de ces atteintes aux biens (1,8 millions). Ils ont été stables, masquant une baisse jusqu’en 2007 (de 2,5 à 1,9 millions), puis une reprise en 2008, 2009 et 2010. L’amélioration des dispositifs de sécurité sur les biens est souvent avancée comme la cause première de cette baisse. Elle se lit dans la baisse continue des vols de véhicules de 2004 (853 000 actes recensés cette année-là) à 2010 (611 000 sur 12 mois à fin juin 2010, sur 12 mois).
- Première catégorie, les
vols sans violence étaient 2,336 millions en 2002, puis 1,788 millions en 2007, sont tombés à 1,684 millions à fin juin 2010 (sur 12 mois glissant). En particulier, les cambriolages ont diminué de 446 000 en 2002, à 307 000 à fin juin 2010 (sur 12 mois).
- Seconde catégorie, les
vols avec violences sont marginaux mais leur évolution est erratique (environ 107 à 115 000 par an sur un total d’environ 1,8 millions de vols), dont 90% sans armes. Ils ont baissé de 2002 à 2004 (de 133 000 à 119 000), puis ont augmenté jusqu'en 2007 ( + 5 000 en 2005 ; +3000 en 2006), pour baisser à nouveau (-14 000 en 2007, année d’élection; - 6000 en 2008) et augmenter depuis 2 ans (+ 6000 en 2009; +5 000 à fin juin 2010 sur 12 mois). Au final, depuis 2002, ils ont réellement baissé de 18 000 unités pour atteindre 115 497 à fin juin.
- La troisième catégorie d’atteintes aux biens regroupe
les dégradations et destructions. Elles sont en baisse notable, de 589 000 en 2002 à 463 000 en 2007, malgré une hausse en 2005 à cause des émeutes de novembre, générant + 28 000 faits constatés. Elles étaient comptabilisées à 389 243 à fin juin (-38 734 en un an, principalement grâce à la baisse du nombre de destructions ou dégradations de véhicules privés: - 25 000).
2.
La lutte contre les atteintes volontaires à l'intégrité physique est le véritable échec sarkozyen : 391 857 actes en 2004 ;
433 284 en 2007 ; 455 911 en 2009, soit une progression de +16% en 5 ans. A fin juin 2010, elles se situaient à 459 600 (+7000 en un an).
Ces atteintes aux personnes ont progressé de +5% en 2005 par rapport à 2004, +5,6% en 2006 versus 2005 ; de +2,4% en 2008 versus 2007 et de +2,8% en 2009 versus 2008. La seule année épargnée fut, comme «
par hasard », l’année 2007 (-0,2% versus 2006). Depuis, elles sont à nouveau en hausse chaque année.
Quand on rapporte ces évolutions au nombre d’habitants depuis 1996, le constat d’échec est plus sévère encore : l’ONDPR relèvait en janvier dernier que «
7,3 atteintes ont été enregistrées pour 1000 habitants, soit le taux d’atteintes le plus élevé depuis 1996. A cette date, moins de 4 atteintes de type violences ou menaces avaient été constatées pour 1000 habitants ».
Parmi ces 459 000 violences aux personnes, 240 000 sont «
non crapuleuses » (en hausse continue depuis 2004), 115 000 sont «
crapuleuses » (en hausse de 2004 à 2006 ; en baisse en 2007, stable en 2008 et 2009, en hausse en 2010) ; 80 000 sont des «
menaces et chantages » (en hausse continue depuis 2004) ; et 23 000 sont des violences sexuelles (quasi-stable depuis 2004).
Les violences « non crapuleuses » recoupent celles sans motif de vols. Rapportées à la population,
elles ont constamment augmenté depuis 2002, pour passer de 2,5 en 2002 à 3,6 actes pour 1000 habitants en 2007, quand Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur. Parmi elles, les coups et violences volontaires non mortels sont largement responsables de leur hausse continue générale : 138 000 en 2004, 193 405 en 2009.
3. Escroqueries et infractions économiques et financières : 329 955 en 2004, 370 728 en 2009 (soit + 12%), 354 662 à fin juin 2010.
La baisse de 2009 à 2010 (-28 000 sur des périodes comparables, de juin à juillet) est due à la chute des infractions liées à des chèques volés et à la baisse, moins importante, des falsification de cartes de crédit. L'action de Nicolas Sarkozy a peu à voir avec ces résultats : les chèques sont moins utilisés (notamment par les commerçants), et la généralisation des cartes à puce a réduit les fraudes à la CB.
Parmi ces délits d'escrocqueries, les infractions à l'immigration et la législation du travail recensées par l'ONDPR sont plus que marginales : environ 10 000 cas de travail clandestin recensés par an, et 3000 emplois d'étranger sans titre de travail.
4. Les faits constatés d'infractions révélées par l'action des services regroupent tous les faits découverts par les policiers et gendarmes. Les syndicats de police ont déjà dénoncé la manipulation du recensement d’infractions par les services eux-mêmes, la fameuse politique du chiffre : l'augmentation du nombre de ces infractions améliore le taux d'élucidation et/ou peut permettre de faire baisser les statistiques générales. Ainsi après une hausse continue depuis 2001 (219 863 en 2001, 384 784 en 2008, et 372 264 en 2009, elles ont baissé en juin 2010 (-20 000 sur 12 mois). Dans les statistiques de l'ONDPR, ces infractions ne concernent jamais des atteintes aux personnes.
Notons, au passage, que
Nicolas Sarkozy ne respecte même pas sa propre promesse d'expulser systématiquement un immigré clandestin : ses services ont recensé 80 000 cas à fin juin 2010, alors que les expulsions se chiffrent entre 27 et 30 000 chaque année.
5. En France métropolitaine,
le taux d'élucidation était en moyenne de 25% en juin 2002. Il a progressé à 35% en juin 2007 et 38% en juin 2010. Sarkozy s'en fait félicité vendredi dernier, assignant au passage un nouvel objectif de 40% à son ministre Hortefeux. En fait, si l'on retranche l'élucidation des faits révélés par les forces de l'ordre, les résultats sont décevants, voire franchement mauvais :
- les vols violents n'étaient élucidés que dans 12,8% des cas en juin 2002, puis 14,2% en juin 2007. A fin juin dernier, le taux stagne toujours à 14%.
- Hors vols violents, les atteintes volontaires à l'intégrité physique étaient déjà élucidées à 70% en juin 2002, puis à 76% en juin 2007. Ce taux est tombé à
57% en juin 2010, un niveau inférieur à celui de 2002...
- Les escroqueries et infractions économiques et financières ont suivi la même dramatique évolution : 54% en juin 2002, 57% en juin 2007 et ... 53% en juin 2010.
Au final, on peut s'interroger sur la plupart des mesures emblématiques de Sarkozy en matière de lutte contre l'insécurité : la rétention de sûreté, les peines incompressibles, la loi anti-bandes ou la future déchéance de nationalité visent-elles à contenir le nombre de vols de voitures ? Non, évidemment.
Nicolas Sarkozy avait deux raisons à
se lancer dans une surenchère sécuritaire si prévisible la semaine dernière : d'abord, il lui fallait reprendre la main sur le débat politique ambiant, plombé par l'affaire Bettencourt/Woerth. Les mauvaises nouvelles sur le front économique et social ne pouvaient servir de tremplin. Ensuite, et surtout, il voulait tenter de couper court aux critiques croissantes sur son échec en matière de lutte contre la délinquance. Pas sûr que la tactique adoptée «extrême-droitière» soit du coup si judicieuse.