Trois associations protestantes vont porter plainte contre le maire de Montreuil
LE MONDE | 14.03.05 | 15h11
Elles l'accusent d'avoir perturbé des cultes. Jean-Pierre Brard affirme avoir agi en vertu de son pouvoir de police administrative
La fédération protestante de France (FPF) a annoncé, samedi 12 mars, que trois associations cultuelles allaient porter plainte contre le député et maire (app. PCF) de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Jean-Pierre Brard, pour abus de pouvoir et violation de l'article 32 de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat. Cet article réprime "ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices". La FPF et la Fédération évangélique de France (FEF) se porteront parties civiles à leurs côtés.
Cette décision fait suite à la visite de Jean-Pierre Brard, dimanche 6 février au matin, dans quatre temples protestants de sa ville. Selon des témoins, le maire de Montreuil aurait perturbé le déroulement des cultes. Dans le temple du Centre missionnaire évangélique, il aurait lancé au pasteur : "Monsieur, apprenez qu'ici la prière se fait dans le cœur, on n'a pas besoin de chanter !" Une tentative de médiation, à l'initiative de la préfecture de Seine-Saint-Denis, a échoué.
La plainte devrait être déposée "avant l'été", selon le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la FPF. Sans crier à la discrimination, celui-ci fait cependant remarquer que tous les lieux de culte concernés appartiennent à des Eglises issues de l'immigration. Il souligne que M. Brard est "une exception" chez les élus : "Il y a sans doute une continuité entre l'hostilité bien connue du maire de Montreuil envers les sectes, et sa compréhension du mouvement évangélique comme sectaire."
De son côté, M. Brard affirme avoir agi en vertu de son pouvoir de police administrative pour contrôler la sécurité de ces lieux de culte. Il déclare que "cette plainte n'est que la poursuite de l'offensive antilaïque engagée par M. de Clermont". "Je m'en réjouis car elle va permettre de mettre sur la table la stratégie de ce dernier, qui vise à remettre en cause la loi de 1905", ajoute-t-il.
"Le maire n'a rien à dire sur le contenu de ce que prêchent et croient les fidèles d'une communauté, insiste pour sa part le pasteur Marcel Manoël, président de l'Eglise réformée de France (ERF), membre de la FPF. Dès lors qu'il n'existe pas de trouble à l'ordre public et que la loi est respectée, il ne revient pas à l'Etat d'intervenir dans les croyances."
Dans son message adressé à l'assemblée générale de la Fédération protestante, qui se tenait les 12 et 13 mars à Paris, Jean-Arnold de Clermont a fixé le cadre de son intervention : "Je crois qu'il nous faut éviter toute victimisation qui laisserait croire que la liberté des cultes serait en péril, mais rester vigilant et refuser tout dérapage."
A une époque où le communautarisme est "un mot qu'il ne faut pas prononcer", le président de la Fédération protestante a redit son "attachement à l'esprit communautaire". "L'individu singulier que nous sommes tient son identité de multiples sources, de multiples appartenances, de multiples communautés auxquelles il est plus ou moins attaché, dit-il. (...) Ce qui importe particulièrement, c'est que nous soient données, et que soient donc reconnues, des règles du vivre ensemble qui nous permettent de vivre pleinement nos identités particulières et pleinement notre appartenance à des ensembles."