je l'avais entendu..je ne rate pas les matinales de France Inter mais j'ai retrouvé un compte-rendu un peu agacé
Le tourisme en Corse : le patron du Grand Hôtel de Cala Rossa décoiffe Nicolas Demorand ! A l'occasion de la décentralisation du Conseil des Ministres de ce jour, France Inter a consacré une journée spéciale à la Corse, à commencer par sa matinale de ce jour. A ce propos, le respect n'est apparemment pas la vertu première du service public, puisque, sans m'être égarée sur la totalité des pages consacrées à l'évènement sur leur site, j'ai pu constater que les annonces étaient truffées de fautes ... ce que je ne trouve pas d'ordinaire.
Se déplacer dans une région, c'est bien. Prendre la peine de savoir en orthographier la langue et les noms, ce serait encore mieux ! Pour exemple : l'émission se déroulait au Grand Café Napoléon, que France Inter situe dans la "Cour" Napoléon, certainement, alors qu'il est sis "CourS" Napoléon; de la même façon, ce malheureux Robin Renucci, qui était pourtant invité, honte sur eux, s'occupe du festival théâtral "Dolmicapella", alors qu'il s'agit en réalité "d'Olmi Capella", du nom du village dans lequel il se déroule; et last but not least, le Grand Hôtel de Porto-Vecchio se nomme pour France Inter "Calla Rossa", un curieux mélange d'espagnol et de corse, alors qu'il s'appelle en fait "Cala Rossa" ...
... et cela nous amène maintenant à l'objet de cette note : le patron de cet hôtel, Toussaint Canarelli et son intervention de ce matin !
Il a réussi à plusieurs reprises à couper la chique à Nicolas Demorand, qui, pourtant, a un sacré bagout et ne s'en laisse d'ordinaire pas compter. Mais à sa décharge je dois reconnaître que, malgré quelques idées pertinentes, l'ensemble du propos de Toussaint Canarelli était noyé dans un océan de politiquement incorrect purement provocateur qui a dû laisser également plus d'un auditeur assis béat devant sa tasse de café matinale ...
La séquence était sensé porter sur l'économie et l'écologie et le développement au sens large de l'île ... en fait, on a parlé à 90% du tourisme ... et encore, d'une catégorie particulière de tourisme ... c'est peu dire que Nicolas Demorand s'est laissé prendre la main sur ce coup-là !
Toussaint Canarelli a pu à loisir développer un discours certainement déjà très bien rôdé, sans que personne ne puisse (ni même n'essaie de) l'arrêter.
Mais que disait-il ?
Que le tourisme n'existe pas en Corse. Tout simplement.
Quand le présentateur lui fait remarquer qu'il y a tout de même 2.5 millions de visiteurs par an, il développe une théorie selon laquelle le tourisme n'est pas une tradition en Corse, George Sand n'étant pas venue s'y promener avec Musset par exemple, il s'agit d'un tourisme "de cueillette" (sic), de personnes qui débarquent, qui visitent et repartent (re sic), polluent, coûtent cher en ordures ménagères et laissent en prime leurs camping car (re re sic).
--> alors bon, certes, George Sand n'y est pas venue ... mais tous comptes faits elle n'a pas non plus fait le tour du monde, et vivait à une époque à laquelle le tourisme était somme toute peu répandu ...
--> dans nombre de lieux touristiques, les visiteurs "viennent, visitent et repartent" ... c'est même le propre du tourisme ...
--> concernant l'augmentation des ordures ménagères, il a raison. Mais c'est la même chose dans toutes les régions touristiques. Celles dans lesquelles vivent pendant 8 mois de l'année quelques centaines de personnes et qui en voient débarquer des dizaines de milliers pendant les beaux jours sont toutes logées à la même enseigne.
A sa décharge (... et le terme est bien choisi ... !), toutefois, elles n'ont pas toutes la même retard que la Corse en matière de traitement des ordures ménagères ... En effet, si la situation a évolué, elle n'est encore guère brillante. Il y a une vingtaine d'années on voyait fleurir chaque jour les sacs poubelles aux portes des immeubles d'Ajaccio par exemple, et on les retrouvait au petit matin systématiquement éventrés par les chiens et chats errants qui y trouvaient une pitance à bon compte. On voit maintenant chaque soir s'emplir en pleine ville, sur les trottoirs des rues touristiques, d'énormes "conteneurs" de plusieurs mètres cubes, qui sont aussi systématiquement trop petits pour accueillir toutes les poubelles des habitants ET des restaurants, bars et autres gelateria, et qui, donc, débordent à partir de 21 heures ... répandant dans la ville de douces senteurs de poisson surchauffé aux narines de touristes dégoûtés qui ne peuvent pourtant les éviter : les conteneurs sont si gros qu'ils prennent tout le trottoir et soit on périt asphyxié soit on périt écrasé sur la chaussée ...
Et encore, je vous épargnerai ce qu'il advient de ces ordures une fois ramassées ... bien souvent pas grand chose ... l'incinération, au mieux, au moyen de matériels obsolètes que l'incapacité de s'entendre sur leur remplacement laisse fonctionner jusqu'à épuisement ... quant au tri sélectif, le terme même n'a encore aucune signification, du moins dans les grandes villes ... et les habitants ont régulièrement l'habitude d'abandonner eux-mêmes leurs déchets les plus divers sur la voie publique (voiture, frigos, télés et j'en passe). Mais comment leur en vouloir : aucune information, aucune incitation, aucune répression, aucun ramassage organisé ... et des décharges sauvages à ciel ouvert, qui enlaidissent et empuantissent les alentours d'Ajaccio à longueur d'année, en plein maquis ou presque ... Comment s'étonner, après, que tout le monde, y compris les touristes, jettent tout et n'importe quoi partout ... Pourtant, la Corse, si elle saisit les moyens, peut être fer de lance en matière de comportement écologique puisqu'ainsi elle a été une des premières régions à totalement éradiquer le sac plastique de ses magasins, et ce depuis maintenant plusieurs années, et avec un succès complet. Mais cela, personne n'a été capable de le rappeler ce matin.
Mais reprenons le cours du propos de Toussaint Canarelli. Souvenons-nous de ses dernières paroles : le tourisme n'existe pas en Corse, il n'y que des visiteurs qui font de la "cueillette".
D'après lui, ce qu'il faut à la Corse, c'est un tourisme de luxe, qui créé de l'emploi, attire de l'argent, et fasse fonctionner l'économie de l'île toute l'année.
--> bien sûr il a également raison. L'île compte seulement deux établissements de type "relais et chateaux "(le sien au Sud et La Villa à Calvi, tous deux 5 étoiles). Après, c'est Waterloo morne plaine, le moins bon côtoyant le pire, et au plus fort coût, ce qui entraine même un développement spectaculaire de l'hébergement "chez l'habitant" ou en maison d'hôte ... dont se plaignent les hôteliers qui sont pourtant en grande partie responsables de leur malheur. Considérer le touriste comme une vache à lait de passage n'étant pas la meilleure façon de faire des affaires à long terme. Mais encore faudrait-il une réelle politique de développement économique de la Corse, qui comprenne un véritable volet "développement touristique" ... Les Corses pourraient ainsi peut-être mieux se prendre en charge, et l'argent serait-il mieux employé qu'à faire des ronds-points dans toutes les rues ou presque ...
Il cite l'exemple de Cala Rossa : 137 emplois en saison; et en ce moment, l'hôtel plein à 80%, c'est-à-dire 80 clients et 90 emplois, sur 8900 m2 de site exploité, y compris l'accès à la mer.
Il donne une seule alternative : soit les Français acceptent de se cotiser pour payer grassement les Corses à ne rien faire, soit on accepte de travailler dans le secteur porteur qu'est le tourisme, et on construit de nombreux hôtels de luxe.
Quand on lui demande s'il est par conséquent pour le bétonnage des côtes, il se défend, mais de façon "non convaiquante", puisqu'il dit en substance que l'on n'a pas besoin de construire en bord de mer, au-delà de la bande des 300 mètres suffit, du moment qu'on a un accès direct à la mer ... c'est facile à dire quand on a, comme les lui, les pieds dans l'eau ...
Concernant la construction de ces hôtels, il s'embrouille un peu : il faut faire appel à de grands groupes, comme Accor ou Four Saisons, qui seraient tout à fait désireux de s'implanter si "on les laissait travailler normalement", c'est-à-dire "sans se demander si un jour il ne va pas leur arriver quelque chose". Il n'en dira pas plus. Pour quelqu'un qui n'a pas l'air d'avoir sa langue dans sa poche, c'est étonnant ... (je galèje... !)
Ces hôtels ne peuvent être construits par des Corses : ils n'ont pas assez d'argent et n'en ont pas les compétences. D'ailleurs les hôtels des Alpes ne sont pas détenus par des Savoyards (sic toujours). Des constructeurs extérieurs pourraient, par leur besoins de recrutement, développer des formations dont pourrait bénéficier le futur salariat corse qui serait employé dans ces hôtels.
Parce que, in fine, "la Corse est trop pauvre et trop belle pour être réceptrice de tourisme social". Elle ne doit pas recevoir des gens "qui polluent, qui coûtent de l'argent et qui contribuent à l'augmentation des taxes sur les ordures ménagères". (sic encore)
Eh bien, là, ce pauvre Demorand, qui jusque là n'avait déjà pas réussi à l'arrêter, est carrément resté muet !
--> alors moi je dis que la Corse a besoin d'un tourisme de luxe, c'est vrai, parce qu'il est créateur d'emplois, de richesses, et que tout une gamme de clientèle potentielle échappe à l'île, faute d'endroit pour l'accueillir, ce qui est dommage.
--> je rajoute que l'hôtellerie en général sur l'île est bien en-dessous de ce que l'on trouve ailleurs dans la même gamme. Que le service n'est pas très bon. Que le touriste a parfois l'impression d'être pris pour un con par des exploitants sans scrupule, ce qui ne l'empêche nullement de dire que, par ailleurs, il est parfaitement accueilli par la population. Tout cela est vrai.
--> mais dire que l'île n'a pas vocation à accueillir Monsieur et Madame tout le monde sous prétexte que sa beauté et ses conditions économiques ne sont pas en convergence avec eux, alors là, je dis STOP ! Les campeurs en camping car ne rapportent rien, c'est vrai, ils arrivent avec le coffre plein pour tout le séjour et n'achètent quasiment rien ... leur en voudrait-on vraiment, les fruits et légumes de saison, qui, pourtant, poussent sur place et n'ont pas à subir le coût de la "continuité territoriale" sont hors de prix et même pas toujours bons ... C'est le serpent qui se mord la queue : pas d'infrastructures, un tourisme mal réparti, des prix qui montent pour assurer la subsistance des 8 autres mois de l'année et l'année d'après, on recommence ... Par contre, ces camping car, ces voitures, ces bus mêmes, ont contribué en terme d'aménagement du territoire, en terme de voierie parce que les routes ont dû être adaptées à leur passage intensif. Et ces améliorations profitent aux Corses toute l'année, et ils en sont bien contents, sans que cela ne coûte beaucoup à la Corse en particulier en terme d'imposition puisque bien souvent la prise en charge en revient à l'Etat et à l'Europe. Cela non plus, personne n'a été capable de le rappeler ce matin.
Et sur un plan plus général, pourquoi la beauté de la Corse devrait-elle être réservée aux riches ? et aux pauvres quoi alors ? les plages de la Côte d'Opale, c'est assez bien pour eux, certainement ! Merci, j'y vis toute l'année, je ne les dénigre pas, mais j'apprécie le soleil et la beauté de la Corse, notamment parce qu'elle est partie de notre territoire, et je n'aimerais pas aller dépenser mon argent, même maigre, aux Baléares ou en Slovaquie.
Tout cela pour conclure que Toussaint Canarelli s'était peut-être levé du mauvais pied ce matin, que, parmi un certain nombre de vérités, il a truffé son discours de positions particulièrement malheureuse et que personne ne l'a repris.
Cerise sur le gâteau, il terminé en désaccord avec lui-même puisqu'il a affirmé être favorable à la proposition présidentielle de permettre l'implantation de compagnies "low cost" en Corse (ce qui serait pour moi une bonne chose, bien sûr, le monopole d'Air France et consorts étant anormal et préjudiciable au tourisme de masse) ... pourtant ces avions n'apporteraient que des tombereaux de loqueteux sur le sol corse, comment peut-il y voir le moindre intérêt ... ? Ses clients ont largement les moyens de payer les tarifs d'Air France, quand ils sont hébergés chez lui à près de 900 euros la nuit en haute saison et 400 en basse saison ...
Et cela non plus, Nicolas Demorand n'a pas été capable de lui mettre dans la figure.
Peut-être l'angélisme dû à sa récente paternité, mais en tous cas, c'est dommage.
Si vous êtes tentés d'aller donner votre argent à Cala Rossa, les pauvres, c'est ici.