Hier soir, je pense que nous avons assisté à la mort du SCB en ligue 1. Même s’il se sauve (ce que je ne crois pas) cette année, ce sera pour mieux descendre l’an prochain. Ce que je trouve fascinant dans l’observation de ce club, c’est de voir à quel point, il peut être représentatif de l’île. Club identitaire ? Ô combien ! Avec tout ce que ça représente y compris le moins agréable. Dans sa chute, je vois les mêmes raisons que celles qui plombent nôtre île, les mêmes défauts et les mêmes carences. Ce club est comme un laboratoire.
En 1978, trois ans après les événements d’Aléria et alors que la mouvance nationaliste montait en puissance, le SECB menait la campagne européenne que l’on sait. J’étais assez vieux pour la suivre. Les drapeaux corses claquaient au vent et, ce qu’il faut rappeler aux plus jeunes, c’est que la France toute entière était derrière Bastia. Je me souviens au lendemain du match contre le Karl Zeiss Iena, avoir entendu Mourousi ouvrir le journal de 13 heures en langue corse « sete i piu forti ! » Le club portait des valeurs identitaires dans un contexte politique très agité mais tout le monde le comprenait et le continent voyait même cela avec sympathie. En 1981, Marchioni lorsque le SECB gagnait la coupe de France, glissait quelques mots à Mitterrand, fraîchement élu, à propos de la situation dans l’île. Politique et football était intimement liés. Oui, les Français nous voyaient avec sympathie (sauf la frange ultime des jacobins à la Poniatowski). Pourquoi ? Parce qu’ils s’agissait de défendre certaines valeurs sur la base d’un discours politique à partir d’actions revendiqués, ciblées et conduites par des gens au parcours militant. Le SECB était bien le porte drapeau de la Corse et tout un peuple, diaspora comprise se reconnaissait en lui. Je lisais, il y a peu, un sujet sur Camperemu, où les intervenants se moquaient de ceux qui condamnaient la répression de ces années là et qui maintenant avaient un discours anti nationaliste ou ne s’exprimaient plus. Mais, à l’époque, tout le monde se sentait plus ou moins proche de cette mouvance (indépendance associée, autonomie plus ou moins large). Tout le monde, comprenait la justesse des idéaux basés sur la défense de nos intérêts culturels, économiques et écologiques.
Très logiquement, les mêmes se retrouvaient derrière le club parce que c’était le vecteur privilégié de l’expression identitaire. C’était d’autant plus facile, que les discours étaient basés sur la mise en avant de nos valeurs plutôt que sur le rejet de celles des autres.
Le discours s’est peu à peu radicalisé autour du club de la même manière qu’il se radicalisait à l’extérieur. Il faut le dire clairement !Les choses se sont aggravées pour le club comme pour la Corse, avec l’irruption de quelque chose de bien connu et qui ne nous est pas propre : l’argent et aussi une dérive évidente dans le discours.
Le club était régulièrement ponctionné par ses dirigeants. Ce qui était tenable à une époque ne l’est plus devenu lorsque l’économique est devenu prépondérant dans le football. Prenez 10% de ses revenus à un riche, il survivra. La même ponction chez un smicard, l’affamera.
Ce qui est terrible, c’est que le club porte drapeau d’un peuple a été naturellement choisi comme vecteur d’expression et de revendication par la mouvance nationaliste. Mais, au-delà de ce choix stratégiquement compréhensible, ce qui est édifiant, c’est de voir qu’il a surtout servi de vache à lait au service d’intérêts particuliers. On va m’objecter qu’il faut faire la différence entre nationalistes purs et voyous profiteurs. Sans doute. Mais, à l’époque, lorsque certains dénonçaient cette dérive, ils étaient malmenés et qualifiés de traîtres à la cause, de complices de l’oppression. Tout le monde savait ce qui se passait mais il ne fallait rien dire pour ne pas nuire à la cause.
La désaffection du public trouve son origine dans cette vampirisation du club. Et dans l’apparition d’un comportement « ultra » contraire aux valeurs et aux idées du plus grand nombre.
La Corse comme le SCB sont gravement malades de l’argent, de la violence perçue comme seule réponse possible. Malades aussi de discours xénophobes minoritaires et bruyants.
J’avoue ne plus avoir d’espoir ni pour l’un ni pour l’autre.