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06/08
Bastia, de retour des enfers
Un miracle. C’est souvent ainsi qu’est qualifié sur l’île de
Beauté le retour du Sporting Club de Bastia dans l’élite du football
français. Relégué en Ligue 2 sept années auparavant, rétrogradé
administrativement il y a trois ans, les hommes de Frédéric Hantz ont
depuis enchainé deux titres de champions et signent un come-back en
Ligue 1 deux décennies après la tragédie de Furiani. Une performance
basée sur les valeurs locales de courage, de fighting spirit mais aussi
sur un réel fond de jeu. Seulement, passer du choc face à Arles-Avignon
aux déplacements au Parc des Princes n’est pas chose aisée. Présentation
du promu bastiais,
Jerome Rothen (Bastia)
Retour sur la montée1er mai 2012, Stade Armand Cesari,
Bastia –
Metz. 29ème minute de jeu,
Sadio Diallo, stratège des turchini, propulse une reprise stratosphérique dans les cages d’
Oumar Sissoko. Furiani explose, et ne doutera plus une seule seconde d’avoir acquis la promotion en
Ligue 1 et le titre de champion. Le meneur de jeu guinéen réitère en plaçant une frappe surpuissante sous la barre, avant que
Toifilou Maoulida parachève le triomphe des Corses, devenant ainsi co-meilleur buteur du
championnat. Bastia festoie toute la nuit, sous le vacarme des klaxons
couvrant le boucan des tirs de revolvers. Mais la course des Bastiais
vers le titre n’a pas été de tout repos. «
Ce n’est jamais facile , commente
Frédéric Hantz,
ça
l’est devenu du fait de plusieurs paramètres. La crainte du promu,
l’expression d’un talent et la concrétisation d’un investissement. » Lors du parcours des turchini, deux matches tournants sont à retenir. Le 28 octobre, Bastia accueille
Arles-Avignon. Problème, sur décision de la Ligue, le Sporting recevra la bande de
Christophe Landrin… à Créteil. «
J’ai vu beaucoup de choses surprenantes, mais Bastia a été le seul club
professionnel à jouer 20 matches à l’extérieur. La réalité c’est ça, s’indigne encore le technicien aveyronnais. »
Une injustice qui s’avéra fédératrice, à l’image des 1000 supporters corses venus «
à Furiani en métro » et qui au terme de la rencontre chanteront «
Merci la Ligue ! ». Pour certains c’était fait, Bastia allait remonter. Hantz, toujours : «
Le fait qu’on gagne 3-0 a été important. […] En Corse, il y a eu un phénomène de solidarité par rapport à Paris. »
Paradoxalement, le second match charnière est une défaite. Le 28
janvier, Bastia en dauphin se déplace chez le leader clermontois, avec
pour enjeu la 1ère place du classement. A la mi-temps, les potes de
Jérôme Rothen mènent 1-0 à 11 contre 10. Mais à la 50ème,
Wahbi Khazri pète un plomb, découpe un adversaire et voit rouge.
Clermont finira par l’emporter. «
Après ce match il y a eu une prise de conscience. On était bons, il fallait devenir efficaces. » Ca tombe bien, le SCB finira meilleure attaque, avec 61 unités.
Pourquoi Bastia va galérer ?Depuis 2005, le football, en
France et ailleurs a pas mal changé. Ayant toujours été en proie à des
difficultés financières, on pourrait penser que Bastia n’a plus sa place
dans un championnat où évolue
Zlatan Ibrahimovic. Ainsi, l’arrivée de Sébastien Squillacci, un temps pressenti pour rentrer au bled est jugée irréalisable : «
C’est un joueur qui joue à Arsenal. Pas à Caen ou à Dijon. […] Il y a différentes galaxies dans le football, et la galaxie Squillacci ne peut pas rejoindre la galaxie Bastia. »
Autre souci côté turchinu, le cruel manque d’expérience de l’effectif.
En effet, seuls 6 joueurs ont connu l’élite du football français.
Maoulida, Rothen et Ilan sont les seuls à franchir la symbolique barre
des 200 matches. Et celle des 40, à vrai dire. Cumulées, le nombre de
rencontres disputées par l’ensemble des joueurs ne s’élève qu’à 849… Un
paramètre auquel Frédéric Hantz compte bien remédier: «
Il nous faut
du talent en plus. On a fait Ilan, il nous manque un joueur d’expérience
devant, un derrière et un bon milieu offensif, soit axial, soit de
côté. »
Pourquoi Bastia va se maintenir ?Quand on
interroge les supporters du « Sporting de la Corse », le jeu ne débarque
souvent pas en premier dans la conversation. Les Bastiais s’excitent
principalement sur la ferveur retrouvée d’Armand Cesari, qui promet de
redevenir un coupe gorge pour toutes les formations « du continent ». Si
l’ancien coach du Mans reconnait que la bruyante arène «
rapportera beaucoup de points », il tient à s’appuyer sur autre chose: «
On
a déjà 9 000 abonnés, c’est très important, mais ça vient en dernier.
Bastia s’est trop appuyé là-dessus, et ça lui a coûté cher dans une
période de sa vie, analyse-t-il,
Bastia se maintiendra s’il a du
talent. Si on reste sur les valeurs fondamentales mises en place depuis
deux ans, c’est des mots faciles, mais il y avait beaucoup d’amour entre
les gens. C’est compliqué à garder en Ligue 1. » Quant à la fameuse dynamique impulsée depuis le titre de National, Hantz se veut prudent: «
Il ne faut pas s’appuyer que là-dessus, cela doit être une béquille. »
Outre le soutien populaire, l’escouade bleue se la joue
anti-mercenaire. Construite autour de mecs meurtris par la descente en
deuxième division, et d’anciens cracks de troisième division qui ne
pensaient pas un jour être pris au marquage par
Thiago Silva – ou même par Mickael Ciani, en fait -, l’équipe de
Yannick Cahuzac ressemble plus à une bande de potes qu’à autre chose. Un facteur qui
permet à Frédéric Hantz de conclure, bourré de confiance : «
Je pense que Bastia ne galérera pas. »
Pourquoi la Ligue 1 a besoin de Bastia ?Parce que des matches à hauts risques type
Nice-Bastia, c’est quand même autre chose qu’un Evian-
Valenciennes.
Dans l’inconscient collectif, le Sporting, c’est le football des années
1990, les tacles à la hanche de Cyril Rool, et un public toujours plus
chaud. Mais, bien loin de la folie du gang de crânes rasés période Petru
Bianconi, l’ex-entraîneur manceau garde la tête froide. «
A Bastia
il y a un réel besoin d’être en Ligue 1. Il y a une histoire, une
ambition, une ferveur. Mais la Ligue 1 n’a besoin de personne, et tous
les clubs ont besoin de la Ligue 1. » Un constat de professeur de mathématiques teinté de fierté déguisée : «
Je ne vais pas dire qu’on a ce qu’on mérite mais… ». Plus fervent, Maoulida se veut bien moins mesuré dans ses propos : «
Comme je l’avais mis sur une bandelette ‘Le Sporting est Immortel’
.
Bastia, c’est un club à part, avec un public extraordinaire, c’est la
passion, la ferveur de Furiani, c’est quelque chose… Beaucoup de choses
se sont passées dans ce stade. C’est la Corse ! C’est un état d’esprit
et quand les équipes adverses débarquent, elles savent que ce n’est pas
facile de gagner ici. »
L’ancien marseillais, qui décrivait l’accession du club en Ligue 1 comme «
sa plus belle montée » bourlingue autour de l’Hexagone depuis la fin des années 1990.
Pourtant, Bastia, son 8ème club, reste pour lui une institution à part,
preuves à l’appui : «
Une anecdote. Pour ce match à Créteil, au
retour il y avait des centaines de supporters qui nous attendaient à
l’aéroport, c’est des choses qu’on vit dans peu de clubs. J’en ai fait
pas mal mais des centaines de personnes qui t’attendent à 3h du matin
après une victoire à l’extérieur… C’est des choses qui font que Bastia
est unique. »
Le joueur à suivreLa
saison passée, c’est Jérôme Rothen qui est élu meilleur joueur de Ligue
2. Dans son discours de remerciements, l’ancien Monégasque, ému,
confesse que son «
nom a dû pas mal jouer. Beaucoup de jeunes auraient pu remporter ce titre. » Parmi eux, Sadio Diallo, parti pour
Rennes, et Wahbi Khazri. Au sujet du natif d’Ajaccio, international espoir, l’entraîneur bastiais se veut prudent : «
J’aurais pu parler de lui directement, ensuite il faut voir s’il continue sa progression ou s’il s’assoit sur son contrat… » Pour Toifilou Maoulida, le milieu gauche bastiais a été «
la révélation de la saison. Il a mis des buts, fait beaucoup de passes et il a confirmé ça en étant sélectionné en Equipe de France espoirs, pour un joueurs de Ligue 2, c’est pas mal… » L’attaquant formé à
Montpellier salue par ailleurs la décision du franco-tunisien, justement convoité par les champions de France : «
Il
a une grosse marge de progression et en allant dans un grand club il
aurait pu ne pas être titulaire, se brûler les ailes. Etre dans son club
formateur, avec des joueurs expérimentés qui l’encadre c’est bien. Il
peut atteindre le plus haut niveau. »
Mais à Bastia, plus
qu’ailleurs encore, on aime mettre le collectif en avant. Ainsi, le
natif de Rodez dresse un portrait de son effectif, composé de «
joueurs historiques comme Yannick Cahuzac » capitaine des Lions et petit-fils de l’iconique entraîneur du SECB période Papi, Rep et Dzagic ; puis «
des jeunes joueurs comme Florian Thauvin ou Sambou Yatabaré, qu’on vient de recruter. Lui, il faudra bien le vendre. » Arrivé en Corse en 2010 en provenance de Grenoble, Thauvin, a déjà
attiré certaines convoitises. Lors d’un match époustouflant face à
Châteauroux, on raconte même qu’
Arsène Wenger himself aurait consulté son profile sur un célèbre site sportif
français. Joker la saison écoulée, le milieu offensif, sélectionné chez
les - de 19 ans devrait plus participer au jeu l’année à venir. Une
bonne chose pour l’homme à la bandelette, qui le considère comme : «
un jeune à l’écoute, qui apporte de la folie. Un des mecs les plus doué
techniquement dans l’équipe, mais il a encore beaucoup de choses à
travailler. »
Par Thomas Andrei