Main basse sur le littoral corse: le golfe de Calvi en émoiPar Hélène Constanty, publié le 22/04/2009 12:49 - mis à jour le 22/04/2009 13:28
Photononstop
Le golfe de Calvi.
Ange Santini, président du conseil exécutif de Corse, propose de déclasser des sites qui lui appartiennent dans la commune. L'opposition crie au scandale.
Que s'est-il passé à Calvi pour mettre la classe politique de l'île dans un tel état ? Les militants anti-Padduc ne sont pourtant pas allés occuper les villas de Guy Bedos ou de Muriel Robin, sur le bord de mer de Lumio, face à la citadelle de Calvi.
Ange Santini, le vrai patron de CalviPancrace Guglielmacci, maire en titre de Calvi, est un homme docile. Lorsque, en 2004, l'UMP Ange Santini, élu président de l'exécutif territorial, a dû se résoudre à abandonner le fauteuil de maire de Calvi, qu'il occupait depuis 1995, son premier adjoint, Pancrace, a pris la place.
Ange lui avait promis qu'aux municipales de 2008, il serait n° 1 sur la liste. Las! en 2008, Ange ne résista pas au plaisir de se présenter en première position, pour laisser de nouveau la place à Pancrace au soir du 9 mars.
Evidemment, dans la cité balanine, personne n'est dupe. "Le patron de Calvi, c'est moi", affirme d'ailleurs sans fard l'homme fort de l'île, 49 ans, qui continue de signer les éditoriaux du journal local et de mener les débats au conseil municipal. Pauvre Pancrace...
Aucun procès ne vise non plus les chantiers en cours dans cette baie de rêve, encadrée par les plus hautes montagnes de l'île. Or, le 7 septembre 2008, Ange Santini, président (UMP) de l'exécutif publie un communiqué au vitriol: "[...] des organisations extrémistes ont engagé une opération médiatique d'envergure avec leurs méthodes habituelles: la désinformation, l'intoxication, la caricature, la diffamation, la menace et la force brutale [...]. [...] Les ayatollahs prétendent qu'un terrain de 10 000 mètres carrés réservé comme constructible dans la pinède de Calvi va servir à une opération immobilière."
La pinède ! Nous y voilà. La commune de Calvi recèle deux trésors naturels: la presqu'île de la Revellata et la pinède. La Revellata (22 hectares battus par les vents marins) a été préservée in extremis.
Le Conservatoire du littoral, qui possède déjà 45 hectares, est patiemment en train d'acheter le reste à des investisseurs qui avaient cru pouvoir y construire un vaste complexe touristique.
Reste la pinède, plantée à la fin du XIXe siècle pour retenir le sable blanc d'une superbe plage longue de 4,5 kilomètres. L'atout maître de Calvi, qui attire chaque été 30 000 touristes (pour une population hivernale de 5500 habitants).
"Espace boisé classé, la pinède possède tous les attributs d'une protection maximale, observe Michèle Salotti, porte-parole d'U Levante. Mais elle a déjà été bien entamée et, aujourd'hui, la pression devient énorme."
"Le camping de la famille Santini, comme par miracle, sur des terrains que le conseil exécutif propose au déclassement"
Ange Santini, justement, y possède un terrain de 5 hectares, dans lequel sa famille exploite le camping trois étoiles la Pinède. Ce qui l'a mis en rage, c'est la publication d'un article d'Enrico Porsia sur le site
Amnistia.net.
Ce journaliste d'investigation a pris sa loupe et comparé la carte du Padduc aux données cadastrales... Sa conclusion: "[...] Le propre camping de la famille Santini se trouve, comme par miracle, dans un espace que le conseil exécutif propose au déclassement."
En outre, "en 1992, la SCI U Serenu, dont M. Ange Santini assure [...] la gérance, a acheté un bon hectare de terres dans la pinède, sur lequel il a déposé une demande de permis de construire, qui lui a été refusée, alors qu'il n'était pas encore maire de Calvi. Mais M. Ange Santini est un homme tenace. Il [...] remet son projet de désancturisation dans le Padduc."
AFP/Stephan Agostini Le président de l'exécutif de l'assemblée de Corse, Ange Santini,
Six mois plus tard, le président de l'exécutif ne s'est pas calmé: "J'ai porté plainte pour diffamation contre l'auteur de l'article", affirme-t-il à L'Express.
S'il reconnaît avoir supprimé quelques espaces remarquables à Calvi, "c'est uniquement pour nous mettre en adéquation avec la réalité. Je ne vois pas ce que peut avoir de remarquable un coin de pinède dans lequel ont été construits des courts de tennis et un club house il y a trente ans!"
Mais ce n'est pas tout. Un examen attentif de la carte du Padduc révèle d'autres zones proposées au déclassement: l'embouchure de la Figarella, à Calvi, et une bonne tranche de littoral à Lumio, entre le parking de la plage d'Ondari et la tour génoise de Punta Caldanu.
Créer un port fluvial sur un site sauvage à l'écosystème fragile...
Sur la Figarella, où se trouve actuellement le camping Dolce Vita, la mairie dispose bien d'un projet, que dévoile Ange Santini: "Nous voulons construire un petit port fluvial pour une centaine de bateaux."
"Pas question d'y toucher!, s'indigne Stéphane Serra, chef de file de l'opposition municipale. Ce site sauvage, peuplé d'oiseaux, est vital pour l'équilibre écologique de la baie et la formation du sable de la plage."
A Lumio, qui compte déjà 75% de résidences secondaires, l'inoxydable maire (UMP) Eugène Ceccaldi, 86 ans, élu depuis 1965, se défend mollement:
"Je souhaite que Lumio reste un village rural et j'essaie de freiner un peu le développement. Mais ce n'est pas facile." En effet. Les écologistes ont épluché les cartes: selon eux, le Padduc prévoit le déclassement de 2,8 kilomètres de linéaire côtier à Lumio, juste au-dessus des jolies criques. Précisément là où un gros investisseur envisage de réaliser un centre de thalassothérapie entouré d'une centaine de villas. Village rural, Lumio?
- Citation :
- Stéphane Serra, la Horde sauvage au conseil municipal
Le 9 mars 2008, Stéphane Serra a été le premier surpris de son score à l'élection municipale ! 27% des voix pour Calvi autrement, une liste "nationaliste écologiste de gauche" constituée, un peu par bravade, deux mois à peine avant l'élection, histoire de ne pas laisser le champ trop libre à "celui qui concentre tous les pouvoirs régionaux"...
Ce professeur de corse au collège de Calvi, âgé de 26 ans, a commencé à réveiller la jeunesse locale, depuis 2006, avec un blog insolent, la Horde sauvage, dans lequel lui et ses amis critiquent la politique "tout tourisme" d'Ange Santini.
Aujourd'hui, Stéphane Serra joue son rôle de poil à gratter, dénonçant l'absence d'une politique de l'emploi en dehors du tourisme, la pénurie de logements abordables et la vie chère. Sans oublier la pinède, "qui doit absolument rester un endroit préservé". Quitte à s'opposer, autant appuyer où cela fait le plus mal