Alcatel-Lucent: pertes, démissions et grosse galette
Serge Tchuruk et Patricia Russo, lors de l'assemblée générale avec les actionnaires, en mai dernier (REUTERS)
Le groupe annonce de nouvelles pertes, ses dirigeants démissionnent, la directrice générale empoche 6 millions d'euros d'indemnités.
AFP
LIBERATION.FR : mardi 29 juillet 2008
Alcatel-Lucent a annoncé mardi le départ d’ici la fin de l’année de ses dirigeants historiques, une annonce qui vient sanctionner une série de mauvais résultats dans un contexte de vive concurrence et marque la volonté de tourner la page d’une fusion douloureuse.
La directrice générale Patricia Russo «a décidé de démissionner d’ici la fin de l’année», a indiqué le groupe franco-américain dans un communiqué. Elle assurera la transition jusqu’à ce qu’un successeur lui soit trouvé.
Mme Russo, 56 ans, avait pris la tête de l’équipementier en télécoms en décembre 2006, au moment de la fusion entre l’américain Lucent Technologies, dont elle était PDG depuis 2002, et le français Alcatel.
Serge Tchuruk, 70 ans, PDG d’Alcatel depuis 1995, avait alors abandonné ses fonctions exécutives, devenant président du conseil d’administration du nouveau groupe. Il partira le «1er octobre 2008».
Ces départs ont été salué à la Bourse de Paris. A 12H00, le titre Alcatel-Lucent, qui a perdu 60% depuis le mariage, grimpait de 3,66%, à 3,97 euros.
Mme Russo pourrait toucher «un maximum de 6 millions d’euros»
d’indemnités de départ, a déclaré à l’AFP une porte-parole du groupe, tandis que M. Tchuruk est uniquement rémunéré en «jetons de présence».
Le conseil d’administration «entame immédiatement la recherche d’un nouveau président non exécutif et d’un nouveau directeur général», a ajouté Alcatel-Lucent.
Les deux dirigeants étaient sur la sellette depuis plusieurs mois sur fond de dégradation des comptes et des rumeurs récurrentes évoquaient leur départ. Le nom de Thierry Breton, ancien ministre des Finances et ex-PDG de Thomson et de France Télécom, avait même été avancé dans la presse.
En pleine restructuration, Alcatel-Lucent a encore publié mardi une perte nette au deuxième trimestre 2008, pour le sixième trimestre consécutif, de 1,1 milliard d’euros, un chiffre bien supérieur aux prévisions des analystes.
Le groupe n’est guère optimiste pour l’ensemble de l’année: il prévoit une baisse de son chiffre d’affaires de «2% à 5%», après un recul des ventes de 2,5% et une perte de 3,5 milliards d’euros l’an dernier.
Depuis le rapprochement entre les deux groupes, la nouvelle entité accumule les difficultés et a procédé à plusieurs plans de restructuration, comprenant des milliers de suppressions d’emplois dans le monde: 16.500 au total d’ici 2009, dont plus de 1.800 en France.
Alcatel-Lucent est confronté, à l’image de ses concurrents européens comme le suédois Ericsson, à un double défi: faire face à la vive concurrence asiatique et s’adapter à un marché en perpétuelle innovation technologique.
«Une nouvelle direction générale et un conseil d’administration recomposé offriront une perspective neuve et indépendante», a estimé Pat Russo.
L’équipementier avait déjà remanié ses équipes dirigeantes à l’automne 2007, avec le départ de son directeur financier et la création d’un comité exécutif.
«La phase de fusion est maintenant derrière nous. (…) Le temps est venu pour cette entreprise d’acquérir une identité qui lui soit propre, indépendante de celle des deux sociétés d’origine», a expliqué M. Tchuruk.
Pour le CFDT, la démission des deux patrons «est un constat d’échec de la fusion», tandis que la CGT espère du «prochain dirigeant qu’il redonne des perspectives d’avenir aux salariés».