Les affaires de corruption à la Fifa pour les nuls
Les révélations en chaîne des médias anglais sur des affaires de corruption au sein de la Fifa jettent le soupçon sur la désignation de la Russie et du Qatar pour organiser les Mondiaux de football 2018 et 2022. Le Comité exécutif de la Fédération internationale de football (Fifa) a désigné la Russie pour organiser le Mondial 2018 et le Qatar pour de celui 2022. (AFP)
"Des gens ont été accusés de corruption, ils ont été accusés sans raison aucune, sans fondement, a affirmé Vladimir Poutine après la désignation de la Russie pour organiser la Coupe du monde 2018. Cela n'était qu'un moyen de pression contre les membres de la Fifa, ce qui était inacceptable." Cible de l'
attaque du Premier ministre russe : les médias anglais qui ont accusé de corruption plusieurs membres de la Fifa. Retour sur ces accusations qui jettent la suspicion sur la
désignation de la Russie et du Qatar pour l'organisation des Mondiaux de football 2018 et 2022.Sur le même sujet
"Coupe du monde : des votes à vendre"Tout commence le 17 octobre dernier lorsque le Sunday Times publie un article intitulé "Coupe du monde : des votes à vendre". Pour les besoins de l'enquête, les journalistes de l'hebdomadaire anglais ont piégé Amos Adamu, membre nigérian du comité exécutif de la FIFA, et Reynald Temarii (Tahiti), vice-président de la FIFA et président de Confédération océanique de football.
Se faisant passer pour des lobbyistes de la candidature des Etats-Unis au Mondial 2022, ils proposaient de l'argent à ces deux membres de l'instance internationale en échange de leur vote. Proposition qu'ils acceptèrent, le premier ayant réclamé
570 000 euros, le second 1,6 million d'euros au profit d'une académie de sports. Preuve de la corruption généralisée autour de la désignation des pays hôtes, selon le Sunday Times, Reynald Temarii concédait même aux faux lobbyistes américains avoir fait l'objet de propositions similaires d'autres pays candidats. Le tout filmé à l'aide d'une caméra cachée.
Embarrassée par ces révélations, la Fifa a saisi sa
commission d'éthique qui les avait suspendus provisoirement avant de prononcer le 18 novembre une "interdiction d'exercice de toute activité relative au football au niveau national et international pour une durée de trois ans" et une amende de 7.440 euros à l'encontre du Nigérian Amos Adamu. Le Tahitien Reynald Temarii avait, quant à lui, écopé d'une interdiction d'activité d'un an et d'une amende 3.720 euros. Des sanctions les interdisant de participer au vote désignant les hôtes des Mondiaux 2018 et 2022.
Le 24 octobre, le Sunday Times enfonçait le clou en publiant sur son site Internet une vidéo dans laquelle l'ancien secrétaire général de la Fifa
Michel Zen-Ruffinen désignait plusieurs officiels de la Fifa comme susceptibles d'accepter de l'argent en échange de leurs voix.
"Fifa's dirty secrets"Dernière révélation en date, celle du journaliste anglais d'investigation Andrew Jennings dans "Fifa's dirty secrets" ["Les sales secrets de la Fifa"], diffusé le 29 novembre dans l'émission de la BBC "Panorama", trois jours avant la désignation des hôtes des Mondiaux 2018 et 2022. Dans ce documentaire, Andrew Jennings, qui enquête depuis près de 10 ans sur la corruption au sein de la Fifa, accusait trois membres de l'instance internationale de football - Ricardo Teixeira, patron du football brésilien, Issa Hayatou, président de la Confédération africaine (CAF) et membre du Comité International Olympique (CIO), et Nicolas Leoz, président de la Confédération sud-américaine (Conmebol) - d'avoir reçu des versements de la part d'International Sports and Leisure (ISL), une société de marketing qui avait obtenu l'exclusivité des droits pendant plusieurs Coupes du monde, avant sa liquidation en 2001. Selon des documents que s'est procuré Andew Jennings, 175 paiements illégaux auraient été faits entre 1989 et 1999, pour des dizaines de millions d'euros.
Accusé d'avoir touché 100 000 francs suisses,
Issa Hayatou a reconnu un versement d'ISL "dans le cadre de l'organisation du 40e anniversaire de la CAF". "On ne nie pas qu'ISL a donné à la CAF (...) 25.000 francs suisses. Personne ne le conteste", a-t-il dit, évoquant "un élan de solidarité".
De son côté, la Fifa a expliqué que "les problèmes auxquels il est fait référence (...) remontent à de nombreuses années et ont fait l'objet d'investigations par les autorités compétentes en Suisse", rappelant que "dans son verdict du 26 juin 2008, le Tribunal pénal de Zoug n'a reconnu coupable aucun officiel de la Fifa".
L'image de la Fifa écornée Si l'affaire est close pour la Fifa, elle ne l'est pas pour le CIO qui a demandé à Andrew Jennings de lui fournir les documents incriminant Issa Hayatou. Et a indiqué que le dossier allait être transmis "à sa commission d'éthique".
Nicolas Leoz, également mis en cause, a rejeté purement et simplement ces accusations en affirmant que
"des personnes veulent juste mettre la pression avant les élections à la Fifa et la décision qui sera prise le 2 décembre".Une chose est sûre, l'ensemble de ces révélations a terni l'image de la Fifa, comme l'a concédé, en substance, le président de la Fifa Joseph Blatter qui a demandé le 19 novembre "d'agir à l'avenir pour éviter ce genre de situation ". Mais le mal est fait à lire la Une -
"Truqué" - du quotidien anglais The Sun au lendemain de la désignation de la Russie et du Qatar. Raison pour laquelle le président de Transparency International Suisse, Jean-Pierre Méan appelle, dans une
interview accordée à Nouvelobs.com, "à faire la lumière sur toutes ces affaires".
(Samuel Auffray et Benjamin Harroch - Nouvelobs.com)