Nicolas Sarkozy en Corse pour remettre de l'ordre dans la famille UMP LE MONDE | 02.02.10 | 10h23 • Mis à jour le 02.02.10 | 10h24 jaccio, envoyé spécial
Nicolas Sarkozy est arrivé en Corse, mardi 2 février en fin de matinée. Officiellement, le chef de l'Etat est venu à Ajaccio pour parler environnement et développement durable. Mais à l'abri des micros et des caméras, et derrière l'impressionnant déploiement de forces de l'ordre (15 compagnies de CRS et de gendarmes mobiles dont 4 venues en renfort du continent)
, il devait être également question de cuisine interne à l'UMP insulaire.
C'est qu'à cinq semaines des élections, la droite est menacée de perdre la collectivité territoriale de Corse (CTC). Un sondage IFOP réalisé les 19 et 20 janvier pour la radio
Corse Frequenza Mora et le magazine
Corsica crédite la gauche de 41 %, contre 39 % pour la droite et 17 % pour les nationalistes.
Si elles ne sont pas catastrophiques, ces indications confirment toutefois les doutes exprimés à droite sur la crédibilité du duo formé par
Camille de Rocca-Serra et
Ange Santini qui président respectivement l'
Assemblée de Corse et le conseil exécutif.
Des tensions persistantes règnent entre les deux hommes et leurs retrouvailles de circonstances à l'occasion des régionales ne trompent personne. Tandis que les nationalistes et la gauche dénoncent leur incurie, des responsables de droite – souvent plus sévères – déplorent leur incapacité à travailler ensemble.
"POUR LA CORSE"Sur une île où la dépense publique par habitant bat tous les records, où l'emploi public compense la quasi-absence d'emploi industriel et où, selon les chiffres de l'Insee, 10 % de la population connaît la précarité, l'activité économique tarde à se moderniser. Ainsi en juin 2009, à la grande joie de l'opposition – nationalistes au premier rang –, l'examen du Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc), qui était l'un des principaux objectifs de leur mandature, a été ajourné sine die.
Au lendemain des européennes de juin 2009, le chef de l'Etat, inquiet de la perspective de perdre l'une des deux régions acquises à la droite, a tenté un coup de poker : faire entrer au gouvernement
Paul Giaccobi, le président radical de gauche du conseil général de Haute-Corse, qui conduit aujourd'hui l'une des quatre listes de gauche en lice.
Si cette opération avait réussi, le bénéfice pour le chef de l'Etat aurait été double. Sur le plan national, il accrochait un nouveau trophée à sa politique d'ouverture et sur l'île, il obtenait la quasi-certitude de conserver la région. Mais fin août l'opération a fait long feu. Au cours de l'été, M. de Rocca-Serra a dit aux chefs nationaux de l'UMP en visite sur l'île et à son
"ami" Nicolas tout le mal qu'il en pensait.
"J'ai été très clair, raconte-t-il.
J'ai dit d'accord pour l'ouverture, mais pour le responsable que je suis en Corse et pour nos électeurs, cela doit avoir un sens. J'ai dit à Nicolas que l'amitié personnelle c'était une chose, mais ce qui compte c'est la Corse."Alors
"pour la Corse" et sûrement pour se sauver, Camille et Ange se sont rabibochés. Début août, ils ont annoncé leur intention de prolonger leur ticket à la CTC. Camille a fait savoir qu'il en avait assez de la présidence de l'Assemblée et qu'il briguait l'exécutif.
"Je veux être dans l'action", plaide-t-il. Ange s'en est offusqué mais a fini par se rallier.
Le tandem est reconstitué. Camille, de Porto-Vecchio au sud, est numéro un sur la liste et Ange, de Calvi au nord, est numéro trois. Il n'y a pas eu d'opposition. Mais il faut renouveler, ouvrir et rajeunir, leur a-t-il été intimé à Paris. Et là, ça coince. A ce jour, la liste n'est toujours pas composée.
Marcel Francisci, président de l'UMP en Corse-du-Sud, fils de Roland, patron de cercles de jeux parisiens qui fut jusqu'à sa mort en 2006 l'un des hommes forts de la droite en Corse-du-Sud, constate, non sans dépit, que les deux chefs de file rechignent à faire émerger des têtes nouvelles.
Marcel – qui rêve d'occuper dans l'échiquier politique de l'île la place de son père et semble bénéficier des faveurs de la direction de l'UMP et de l'Elysée – s'interroge sur la capacité du tandem
"à réaliser dans les quatre années à venir ce qui n'a pas été fait au cours des six dernières".
Mardi, M. Sarkozy, qui avant de rencontrer les élus à Ajaccio devait faire un détour par Carbuccia et Péri, deux communes sinistrées par les incendies de l'été 2009, devait s'appliquer à jouer les pompiers... dans son propre camp.
Yves Bordenave