Sarkozy est-il Super-Dupont ?
Par Juan. 60ème semaine de Sarkofrance : réforme de la télévision
publique, présidence française de l'union, c'est LE moment pour le
Président. Sans lui faire injure, Nicolas Sarkozy a un point commun majeur avec
Silvio Berlusconi:
"il ne connaît pas de ligne jaune. «Les Anglais diraient que pour lui,
"the sky has no limit" (*)». Cette semaine, le président s'est présenté
tel un
super-héros la la contre-réformes. Nicolas Sarkozy est-il le nouveau Super-Dupont ?
Nicolas, patron des programmes ! En quelques minutes et haussements d'épaules,
Nicolas Sarkozy a annoncé à une commission quelque peu surprise qu'il
était moins hypocrite qu'il choisisse désormais lui-même le président
de la télévision publique. Justifier le centralisme par un souci de
transparence est une première. Sarkozy ne s'embarrasse pas d'excuses
puisqu'il ne connaît pas de ligne jaune.
En arrivant au pouvoir après 23 ans d'absence, la gauche avait créé en 1982 la «
Haute Autorité», devenue plus tard le
Conseil Supérieur de l'Audiovisuel,
une autorité indépendante chargée notamment de nommer les responsables
de l'audiovisuel public et de garantir l'indépendance de l'information.
Sarkozy a choisi de remettre les compteurs à leur niveau de 1958,
Quelques heures après, la ministre de la Culture expliquait que ce mode
de nomination directe était pratiqué depuis toujours pour les grandes
entreprises publiques telles EDF ou la SNCF. Après les remous à la
rédaction de TF1, la coupe est chargée.
Le Président a également
des idées très arrêtéessur ce que le service public doit et ne doit pas programmer. Patrice
Duhamel, le directeur général de France Télévisions a essuyé une salve
de critiques sur les programmes de France 2. Nicolas Sarkozy n'aime pas
Julien Courbet, tolère Patrick Sébastien et aimerait davantage d'opéras
en prime time. «
Il a raison de cogner» son fidèle Frédéric Lefebvre. Il est aussi capable de «prendre l'antenne.»
Ainsi a-t-il décidé de venir sur France 3 mardi 1er juillet parler exclusivement d'Europe pendant une heure. Les journalistes sont priés de respecter la consigne présidentielle.
Nicolas, champion des réformes ? Cela fait des mois que les réformes sont annoncées. Certaines d'entre
elles sont tombées en rafale cette semaine, adoptées en Conseil des
ministres ou votées au Parlement:
l'offre raisonnable d'emploi votée au Sénat, reconduction pour «trois ans» des
71 pôles de compétitivité labellisés, annonce du
plan en faveur de l'emploi des seniors,
Il y a effectivement urgent à «réformer» tant les résultats de ces 60
premières semaines de mandat sont mauvais : Les heures supplémentaires
n'ont pas augmenté;
elles stagnent même depuis janvier.
Et elles coûtent 160 millions d'euros par mois au budget de l'Etat. Le
moral des ménages Français est au plus bas. La dette publique de la
France explose, à 1 250 milliards d'euros, soit une augmentation de
41,1 milliard d'euros.
La croissance est revue à la baisse par l'INSEE (1,6% contre une prévision gouvernementale de ... 2,25% pour l'année 2008).
L'initiative du député UMP Yves Bur de présenter
un rapport sur les niches socialesa-t-elle été inspirée par le Président ? Le dit-rapport pourra faire
hurler le patronat et faire plaisir à Olivier Besancenot, puisqu'il
s'attaque aux exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux
employeurs. Mais il propose de taxer sans distinction les entreprises à
hauteur de 5% des sommes qu'elles versent au titre de certains
dispositifs sociaux tels la participation financière, l'intéressement,
les titres-restaurant, ou les chèques vacances. Force Ouvrière a
dénoncé la confusion sémantique avec les niches fiscales. Une nouvelle
«réforme» en perspectivre ?
Nicolas Sarkozy, expert ès communication Le gouvernement a lancé sa campagne de publicitévantant les mérites des mesures gouvernementales en faveur du pouvoir
d'achat : 4 millions d'euros d'achat d'espace publicitaire parti en
fumée ! Le jour même de l'apparition de ces fameux spots ,
la polémique sur le plan d'économiesde la Caisse Nationale d'Assurance Maladie a pris le dessus (**) : il
faut dire que la CNAM entendait réduire le taux de prise en charge de
certains médicaments des patients souffrant d'affections longue durée,
tels le cancer, le diabète ou le sida. Belle initiative ! Sarkozy a lui
trouvé 4 millions d'euros pour des spots inutiles.
La même semaine, Le ministère de l'Economie annonçait que
le bouclier fiscal avait permis de rendre 241 millions d'euros à
14.981 contribuables :
9 300 d'entre eux ont ainsi récupéré un peut moins de 6 millions
d'euros. Bel exercice de communication... raté. Cela signifie que les 5
700 autres contribuables ont raflé le plus gros de la mise, soit 39 000
euros par personne en moyenne ! Qui dit mieux ?
Le gouvernement n'a en revanche rien trouvé à dire sur
l'absence de "coup de pouce" donné au SMIC à compter du 1er juillet : +0,9%.
Nicolas, patron de la droite Il y a 60 semaines, lors de son discours au soir du 6 mai, Nicolas Sarkozy appelait au rassemblement. Depuis,
le Président de tous les Français est rentré au bercail, celui de l'UMP.
Il s'est attaché à verrouiller son camp. Le Premier Ministre n'a plus
le contrôle de son propre gouvernement, Sarkozy réunit les ministres
sans lui. Patrick Devedjian, secrétaire général de 'lUMP, a été cadré:
Christian Estrosi a rejoint Xavier Bertrand pour contrôler l'UMP. Le
Président travaille même sur les prochains scrutins électoraux. Aucune
contestation n'est possibel.
Nicolas, maître diplomate En début de semaine, la visite de Nicolas Sarkozy en Israël et Palestine fut légitimement célébré.
Le Président a réussi à utiliser son capital confiance auprès des Israélienspour leur rappeler quelques nécessités comme l'existence d'un Etat
palestinien souverain et l'arrêt de la colonisation de la Cisjordanie.
Pour un peu, on aurait cru qu'il allait résoudre 60 ans de conflits au
Moyen Orient d'un coup de baguette magique! Rares ont été les
observateurs à s'inquiéter de la contradiction sarkosyte qui consistait
à précher la paix en Israël et vendre la technologie nucléaire tout
autour de la Méditerranée : après la Libye, le Maroc, voici l'Algérie,
visitée par l'effacé François Fillon, qui a signé
un contrat «historique». Pendant 6 mois, Angela (Merkel) va serrer les dents. Elle qui ne
supporte plus la vulgarité agitée et narcissique du président Français
va devoir accepter
qu'il préside à son tour l'Union Européenne pendant 6 mois. Nicolas Sarkozy a annoncé ses 4 priorités, sans demander l'avis des autres États membres davantage préoccupés par
l'échec du Traité de Lisbonne.
C'est «son» moment. Il l'a même dit à France Télévisions : il serait
temps de parler d'Europe dans vos journaux télévisés, «j'arrive.» Il
souhaite parler de «
défi climatique»(la France est en retard), de «défense commune» (la France réintègre
l'OTAN), de politique agricole commune, et surtout de «maîtrise des
flux migratoires.» L'immigration est en fait le grand sujet français de
cette présidence européenne. Nicolas Sarkozy et
Brice Hortefeux veulent sortir «par le haut» de l'indignité nationale dans laquelle les
expulsions, défenestrations, et rétention d'immigrés, enfants ou
adultes, les ont plongés.
Faire accepter à nos voisins les mêmes saloperies permettraient au moins de faire bonne figure. Ce débat démarre mal. L'Espagne de José-Luis Zapattero a refusé de cautionner la proposition française de François Fillon
vendredi 27 juin:
«Le principal objectif réside dans la prétention française d'interdire les régularisations massives d'immigrants» explique
EL PAïS. Gageons qu'il aura moins de difficulté avec
le nouveau pouvoir italien aux relents néo-fascistes qui a récemment ordonné la prise d'empreintes ADN d'enfants nomades. Nicolas Sarkozy ne connaît pas de ligne jaune.
Pour lui, tout est possible.
Et pour nous ?
(*) Pour mes amis lecteurs non anglophiles, «le ciel n'a pas de limites.»
(**) Ce plan annoncé mardi 24 juin cherchait 3 milliards d'euros
d'économies. Un porte-avion nucléaire coûte 2,5 milliards d'euros.
Dimanche 29 Juin 2008 - 00:21
Juan