La police a tenté de prélever l'ADN des salariés de la radio corse Frequenza Mora
LE MONDE | 07.05.08 | 17h53 •
L'opération a tourné court. Mardi 6 mai au matin, quatre fonctionnaires de la police judiciaire de Bastia ont dû remballer leur matériel de prélèvement d'ADN face au refus des personnels de la radio Frequenza Mora, la station locale de France Bleu, de se soumettre à une prise d'empreintes génétiques.
Les policiers avaient été saisis par la section antiterroriste du parquet de Paris, après la réception, la veille, d'un communiqué émanant d'un nouveau groupe clandestin baptisé "FLNC 1976". Le texte, qui revendique 26 attentats commis ces derniers mois, avait été retrouvé par un journaliste dans une boîte aux lettres proche du siège de la radio, après un coup de téléphone anonyme au standard de Frequenza Mora. Les policiers ont malgré tout procédé à quatre auditions, dont celles de Robert Kudelka, directeur de la station de radio, et de la standardiste, "entendue par les policiers une heure et demie, précise un cadre, pour un coup de fil anonyme de quelques secondes..."
Depuis trente ans, en Corse, les journalistes avaient fini par s'habituer aux convocations, pour audition, qui suivent inévitablement une conférence de presse clandestine ou la réception d'un communiqué de revendication émanant d'un groupe armé. "C'est la première fois qu'on emploie des méthodes aussi inacceptables pour s'attaquer au principe de la protection des sources", s'insurge Pierre-Louis Alessandri, journaliste à Frequenza Mora, membre des instances nationales du Syndicat national des journalistes. Le SNJ se dit "impatient de voir la garde des sceaux présenter le texte qui dort dans ses tiroirs" : l'examen par les députés du projet de loi sur la protection des sources des journalistes, prévu le 8 avril, a été reporté sine die.
"C'est la vieille méthode : on veut couper la tête des porteurs de mauvaises nouvelles", ironisait un policier insulaire après cette intervention. Une source judiciaire indique que les prélèvements ADN devaient être comparés à ceux retrouvés sur les trois feuillets signés FLNC. Probablement en pure perte : les originaux ont été "perdus".
Antoine Albertini