Le baby-foot fait son show à EaubonneLE MONDE | 02.05.08 | 16h34 • Mis à jour le 02.05.08 | 16h34
AFP/FRANK PERRY
Photo de joueurs de foot en fonte d'aluminium, prise, le 17 octobre 2006 à Bazoges-en-Paillers.
La tension monte, Joaquim et Karim sont en mauvaise posture. Ils sentent que le match leur échappe : temps mort pour se remobiliser. Spectateurs, leurs amis distillent les conseils.
"Jojo, prends l'intérieur", lance l'un.
"Vous capitalisez pas assez les goals de Karim", analyse l'autre. Reprise. Jojo change de poignées, la sueur perle sur le front de Karim, mais rien n'y fait. Les deux partenaires du club de baby-foot de Saleilles (Pyrénées-Orientales), près de Perpignan, sont éliminés du tournoi de double Elite. Jojo enlève ses gants antiglisse. A froid, il regrette que Karim ait
"bien goalé mais mal relancé" et que lui n'ait
"rien contré en demi". Il reste encore la compétition de simple pour se refaire.
Sous le toit du stade couvert Stéphane-Diagana d'Eaubonne (Val-d'Oise), 600 joueurs et joueuses de 20 nationalités différentes s'affrontent autour de 112 tables de jeu. Ils sont venus en découdre du 1
er au 4 mai à l'occasion de la première étape, sur cinq, des championnats du monde de football de table. Tous sont dingues d'un jeu qui se fait de plus en plus rare dans les bars.
Farid Lounas n'a pas un instant de répit. Président de la Fédération française de football de table (FFFT) et de la Fédération internationale (ITSF), il veille au bon déroulement du tournoi sur les écrans de contrôle.
"Quatre jours intenses m'attendent. On est amateurs, mais l'organisation est très professionnelle", dit-il. A chaque fin de match, les joueurs viennent saisir leurs scores sur des bornes à écran numérique. A l'autre bout du monde, les passionnés peuvent suivre en temps réel les résultats sur Internet. Les arbitres en maillots rayés noir et blanc règlent les litiges.
Maillots du club du Tampon sur le dos, six amis apprécient l'ambiance. Ils ne regrettent pas d'avoir fait onze heures de vol
"pour venir taper la balle". Valère, un des membres de cette bande de copains trentenaires de La Réunion, explique qu'ils s'entraînent intensivement depuis novembre.
"Tous les mardis et jeudis soir, le dimanche de 13 heures jusqu'à 21 heures : on a plus de vie de famille !" se marre-t-il.
Tournoi oblige, les visages sont crispés autour des tables. Concentration maximale de rigueur, les yeux rivés sur la petite balle jaune. Cris de joie et de frustration résonnent au milieu du concert de cliquetis émis par les barres métalliques. Gilbert, 75 ans, fait une pause. Bandeau éponge autour du crâne, il écume les tournois mondiaux. Dallas, Las Vegas, bientôt Prague, un album relatant ses exploits l'accompagne partout. Il en extrait un article qui rappelle qu'il a été
"champion de France en 1953". Après une longue éclipse, il s'est remis au baby dès la retraite.
"Je souffre un peu au niveau du bras, mais ça tient", sourit-il. Son partenaire attitré, Bernard, 87 ans, est le doyen du milieu.
"Il m'a dit qu'il voulait mourir sur un baby", rigole Farid Lounas.
La journée avance au son du micro, qui égraine des noms de joueurs invités à rejoindre les tables numérotées. Les poignées se vissent et se revissent en cadence sur les barres. Car chaque joueur vient avec les siennes. Rondes, plates, allongées, en poire : les traditions diffèrent selon les régions et les pays.
Pour ces passionnés, le football de table est un sport.
"Il faut beaucoup d'entraînement et de la condition physique, analyse Franck Mahy, numéro1 français.
Tu as des parties qui peuvent durer jusqu'à deux heures."Pourtant, le football de table n'est pas reconnu officiellement comme tel en France, contrairement à d'autres pays comme l'Italie, qui compte 20 000 licenciés. Farid Lounas le déplore :
"Le ministère de la jeunesse et des sports ne nous reconnaît pas. Alors on a visé l'agrément jeunesse et éducation populaire. Avis négatif, car on nous dit que nous sommes un sport... Chacun se renvoie la balle, et on ne bénéficie d'aucune subvention." Tout repose sur le bénévolat et le sponsoring.