Menacé de mort pour un tatouage provocateur
Un jeune supporter de Manchester United est menacé de mort par des
supporters de Liverpool après s’être fait tatouer une phrase célébrant
la disparition de 96 supporters des Reds à Hillsborough en 1989 et
regrettant qu’il n’y en ait pas eu plus…
C’est bien connu, les Reds de
Liverpool et les
Red Devils de Manchester ne s’aiment pas. Ils se haïssent même à tel point que les
rencontres entre les deux villes, distantes de 30 kilomètres seulement,
ont pris depuis les années 70, le surnom pompeux de "Derby of England".
Rien que ça. De quoi vexer
Manchester City,
Everton et à peu près tous les quartiers de Londres… 30 ans de hooliganisme,
entre les années 60 et 90, ont ensuite suffi à reléguer la rivalité d’un
Real-
Barça au niveau de l’antipathie que se vouent
Sochaux et
Nancy.
Dans ce contexte d’exécration mutuelle, les supporters d’Old Trafford
et d’Anfield n’hésitent pas à franchir la ligne rouge. Ainsi, les Red
Devils sont coutumiers des chants à la gloire d’Hillsborough, drame
d’avril 1989, où 96 scousers périrent dans une bousculade monstre
provoquée par une organisation déficiente. Les Reds, de leur côté,
célèbrent le vol 609 de British European Airways qui alla s’écraser sur
le tarmac de Munich lors de sa troisième tentative de décollage, un soir
de février 1958, tuant 23 personnes, dont 8 joueurs et 3 membres du
staff. Que du bon esprit, en somme.
« 96 morts, c’est pas assez »Mais aucun, jusqu’à présent, n’avait été aussi loin que Danny Hornby. Ce jeune fan des Red Devils de 22 ans,
s’est fait tatouer sur l’épaule droite « 96wne ». Pour le béotien, la phrase n’a pas grande signification. Mais chez les initiés, elle relève du parjure. «
96wne » équivaut en anglais SMS à «
96 was not enough ».
Autrement dit, la chair de Danny proclame très clairement qu’il n’y a
pas eu assez des 96 supporters de Liverpool, étouffés et écrasés, à
Hillsborough le 15 avril 1989, lors de la demi-finale de FA Cup,
opposant les Reds à Nottingham Forest. Pas peu fier de son œuvre, Danny
l’a prise en photo et a posté le cliché sur
Twitter. La suite ressemble à une tragi-comédie.
Repérée sur le réseau social, l’image a fait le tour des forums de fans
des Reds, avec des hashtags comme #YNWA (You’ll never walk alone) ou
#JTF96 (Justice for the 96) sur
Twitter et surtout avec un lien
vers le compte de Danny Hornby (introuvable depuis). La machine
s’emballe, et les messages d’insultes pleuvent à l’encontre du jeune
homme originaire de Fleetwood, port de pêche excentré de l’agglomération
de Blackpool où le chômage sévit plus qu’ailleurs dans le Lancashire.
La fatwa à l’encontre du tatoué prend de l’ampleur, mais demeure
virtuelle, jusqu’à ce que l’adresse des Hornby soit divulguée par des
fans de Liverpool. Photo GPS à l’appui fournie par
@Liverpool_Dave . Entre-temps, devant les menaces de mort répétées reçues via le réseau
social, Danny Hornby, nettement moins fier, est allé se confier à la
police. Dès que son adresse est rendue publique, cet ancien emballeur de
poissons prend la poudre d’escampette avec sa petite amie dans la nuit
du 4 août, sur le conseil des forces de l’ordre. Ses parents et sa
petite sœur suivent…
« Si jamais je le croise, je lui brise ses bras et ses jambes »Conscient que les choses sont allées trop loin, Danny fait amende honorable sur
Twitter : «
Je
ne suis plus à Fleetwood, ni avec ma famille ou mes amis. Je voudrais
m’excuser envers tous ceux que j’ai offensés avec ce tatouage, qui est
maintenant recouvert ». Par la même occasion, il exhorte à ce qu’on laisse sa famille tranquille : «
Ça n’a rien avoir avec eux ». Peine perdue, le 5 août, les forces de l’ordre du Lancashire ont interpellé un jeune homme de 20 ans : «
Originaire
de Fleetwood, il est suspecté d’avoir délibérément encouragé et incité à
la perpétration d’un délit par le biais de commentaires sur un réseau
social », a déclaré le porte-parole de la police, cité par le
Daily Mail . En des termes beaucoup moins juridiques, ce supporter des Reds avait écrit sur
Twitter ceci : «
Ça lui va plutôt bien Hornby comme nom à ce rat* parce que si jamais je
le croise, je lui brise ses bras et ses jambes de salaud et je le
laisse comme ça sur le chemin ». D’autres manient le sarcasme de mauvais goût : «
Il y aurait une forme d’ironie si la police devait identifier le corps de Danny Hornby grâce à son tatouage ». Bref, les choses prennent une tournure potentiellement inquiétante.
Aussi,
l’association qui mène qui mène campagne pour que justice soit faite
sur les événements d’Hillsborough (Hillsborough Justice Campaign)
tente-t-elle de calmer le jeu. Son porte-parole a déclaré au
Daily Star : «
C’est
triste que quelqu’un ressente le besoin de décorer son corps avec des
mots aussi incendiaires… Mais on ne peut toutefois pas excuser les
menaces contre lui ». Danny Hornby vit toujours cloîtré quelque part en
Angleterre, loin de Liverpool, en attendant que le tumulte s’estompe. Mais sur
Twitter,
les imprécations ne faiblissent pas. Pas de chance pour lui, Liverpool
et Manchester se retrouvent à Anfield, pour la 5ème journée de Premier
League, dans un peu plus d’un mois. De quoi encore entretenir le
ressentiment.
* Il existe une statue d'un chat avec un rat dans la gueule à Hornby, dans le North Yorkshire. La preuve . Anthony Cerveaux