Rothen : « Je serais venu à pied pour aider Monaco
(Photo G.B.)
S’il ne fut pas loin de retrouver l’ASM en janvier 2011, c’est au Sporting, troisième de Ligue 2 à l’heure de se rendre au Louis-II, que l’ancien Monégasque s’épanouit aujourd’hui pleinement
Il n'a pas troqué son air de Titi parisien pour l'accent corse, mais ça ne l'empêche pas de chanter son bonheur sur l'Île de Beauté. À Bastia depuis l'été, Rothen a repris avec aisance le fil d'une carrière en pointillés à la fin de son histoire brouillée avec le PSG. Au Sporting, le milieu de terrain, bientôt 34 ans, enchaîne les matches et les victoires. À mi-parcours, il est d'ailleurs en passe de réussir son pari : retrouver avec le promu, l'élite qui l'avait enterré un peu trop vite. Avant de retrouver Monaco, Rothen s'est longuement confié, sans rien éluder. Frais !
À Bastia, vous vous êtes adapté très rapidement…Déjà, c'est une ville et une région que je connais bien pour y avoir des amis et y être allé régulièrement en vacances. Quant au club, il s'est bien restructuré l'an dernier. Quand on voit la saison réussie, le titre de champion avec autant de points d'avance, c'est le signe que la base de l'équipe était bonne, qu'elle avait le niveau L2. Après, pour jouer les premiers rôles, il fallait quelques arrivées, et que les joueurs déjà présents se remettent en question. L'alchimie s'est faite de suite. On a un groupe de 23 joueurs qui s'entendent parfaitement. C'est rare, je peux d'autant mieux vous le dire que ça fait quinze ans que j'évolue dans le milieu.
Vous pensiez jouer la montée dès cette saison ?Au fond de moi, oui, parce que je suis ambitieux, même encore à mon âge… Si je suis venu ici, ce n'était pas pour végéter en L2. Après, il faut être raisonnable. Bastia est un promu, l'objectif de départ est de bien se maintenir et stabiliser l'équipe pour jouer la montée l'année prochaine. C'est pour ça que j'ai signé deux ans. Après, si on peut gagner un peu de temps, on ne va pas se gêner…
Un trou - 5 points - s'est formé avec le 4e, Nantes…Aujourd'hui, on est au top, on a presque tout le temps été sur le podium. Mais ça reste fragile, on n'est pas à l'abri d'une série extraordinaire d'une autre équipe. On verra si on a le caractère et le mental pour être présent dans la dernière ligne droite. D'ici là, ça me paraît superflu de parler de montée.
Vous y pensez, sans vouloir en parler ?Voilà. Aujourd'hui, c'est inutile. Je ne vais pas cacher qu'en ayant été pour l'instant si souvent sur le podium, on n'a pas franchement envie de finir 4e. Malgré tout, on sait qu'il y a des équipes, aujourd'hui à 6 ou 7 points, qui ont les capacités de revenir. Notre situation n'est pas négligeable, mais on a deux mois difficiles qui arrivent. On va à Monaco, on reçoit Reims, on ira bientôt à Sedan… Si on passe bien toutes ces échéances, on ne pourra plus se cacher. On a déjà du mal ! Mais on ne va pas la jouer à l'envers. On est promu, on a beaucoup de jeunes, on manque d'expérience et parfois, le mental flanche un peu. C'est ce qui s'est passé à Clermont (défaite 2-1). Il ne faut pas répéter ce genre de sorties.
Votre réputation de joueur de caractère semble parfaitement coller avec le Sporting?Au niveau de la mentalité des gens, dans la vie de tous les jours, ça me correspond bien. Il y a un franc-parler qui me va parfaitement, c'est vrai. Il y a ici des gens adorables qui m'ont bien accueilli. Tous les feux sont au vert et ça se ressent sur le terrain. Aujourd'hui, je m'éclate.
Et ça se voit sur le terrain : repositionné dans l'axe, vous êtes le meilleur joueur de champ selon France-Football…Bon ça, les notes, c'est anecdotique. Je crois que mon nom me sert un peu (rires). Si ça marche, c'est parce que le collectif tourne bien, et je m'y sens bien. J'ai l'impression que les gens sont contents de m'avoir, et c'est réciproque. En match, je suis souvent attendu par l'adversaire, serré de près. Mais le fait d'être milieu relayeur, face au jeu, me sert. C'est un tout qui me permet d'être pleinement épanoui.
Demain soir, vous serez encore bien attendu au Louis-II…C'est sûr (rires). L'avantage, vu qu'il y a beaucoup de joueurs étrangers qui sont arrivés, c'est qu'ils ne connaissent pas forcément le championnat de France et ses joueurs. Blague à part, j'ai passé des années extraordinaires à Monaco. C'est toujours quelque chose de particulier, même si il y a eu cette incompréhension avec le public qui fait qu'à chaque fois que je reviens, j'ai droit aux sifflets. C'est comme ça. En aucun cas, ça ne peut effacer ce que j'ai pu vivre ici, avec ce groupe qui s'est hissé au niveau des meilleures équipes européennes.
Ce groupe, justement ?J'en parlais avec Ludo (Giuly) cette semaine : on a beau ne pas se donner de nouvelles pendant plusieurs mois, quand on se retrouve, il y a toujours des flashs qui reviennent et on vit des moments extra. Ce groupe était magique, je souhaite à tout footeux de vivre ça.
Aujourd'hui, même si c'est à un autre niveau, je ressens des choses similaires avec Bastia. Il se passe un truc, on est tous bien ensemble, il y a un engouement fort autour de l'équipe. Il y a aussi une belle histoire puisque le club a failli mourir l'an dernier en début de saison. Depuis un an et demi, le Sporting est sur une magnifique dynamique, il ne faut pas l'arrêter.
Il paraît que vous allez jouer à domicile lundi soir ?Il va y avoir beaucoup de supporters corses, c'est sûr, même si c'est en semaine. Je vous le dis, il faut le voir pour le croire, mais ici, à Bastia, la ville est « Bleu ». Beaucoup de gens sont fiers de voir le Sporting retrouver des couleurs. À Armand Cesari, il y a une ambiance fantastique. J'espère qu'on va continuer à faire vibrer les gens. Le 18 mai, on aura peut-être une récompense extraordinaire.
Lundi, vous allez retrouver Ludo, Marco… Particulier ?C'est un vrai plaisir, parce que ce sont des gens biens, tout simplement. Après, le club est dans une situation compliquée, il y a une pression un peu plus forte qu'au début de saison. Donc, avant et pendant le match, on va oublier qu'on a passé de bons moments, ce sera un rude combat.
Avez-vous été contacté par l'ASM à l'intersaison ?Cet été, non. Mais l'an dernier oui, quand Laurent Banide est arrivé. Mais Monsieur Aubéry n'avait pas souhaité ma venue, il avait mis son veto.
Déçu ?Oui, parce qu'à l'époque, je venais de résilier à Paris et si j'avais pu rendre service à un club qui m'a tant donné, je serais venu à pied pour les aider. Le coach, à l'époque, était assez chaud. Malheureusement, à cause de beaucoup de « On dit », ça ne s'est pas fait. On m'a collé une image qui n'est pas forcément la bonne. Je suis quelqu'un de franc, ça peut déplaire. Mais ce qui est grave, c'est de faire l'amalgame entre mon franc-parler et ce que je peux réaliser sur le terrain. Il ne faut pas tout confondre. Ça ne s'est pas fait, tant pis. Depuis, j'ai avancé. Mais ce n'est pas parce que tu as dit « merde » à une certaine personne à l'époque que tu es un mauvais garçon. Parfois, ça fait du bien de dire ce qu'on pense.
Vous avez suivi l'évolution récente de l'ASM ?Je pense que c'est bien que des gens investissent beaucoup dans le football français, et encore plus dans un club que j'ai connu et qui m'a tant apporté. L'âme du club va peut-être évoluer, comme c'est le cas à Paris. Il ne faut pas faire n'importe quoi et garder, je pense, une ossature avec de vrais joueurs de club. Mais si ça peut permettre à l'ASM de repartir sur de bonnes bases, tant mieux.
Comment avez-vous préparé ce match ?Il n'est pas évident, justement, à préparer, parce que beaucoup de joueurs sont arrivés et parce que Monaco n'a pas joué la semaine dernière (match reporté à Angers, ndlr). J'ai vu le match contre Lens. Monaco prend un but à la dernière seconde mais on sent que l'équipe reprend confiance. Ludo, aussi, retrouve la forme. Je lui souhaite le meilleur. J'irai lui dire après le match, lundi, en espérant qu'il ne nous fasse pas trop de misères…