05 juin 2009Treize interpellations en Corse dans l’enquête sur les règlements de compteJUSTICE. Alain Orsoni, président du club de foot de l’AC Ajaccio, a été placé, hier, en garde-à-vue. En tout, treize personnes ont été interpellées à Ajaccio principalement, dont certains membres de sa famille.
Lire la suiteAncien patron du Mouvement pour l’autodétermination (MPA), Alain Orsoni est entendu notamment dans l’enquête sur le meurtre de Thierry Castola, 36 ans, un ancien MPA tué début janvier à Bastelicaccia (Corse-du-Sud).
Les garde-à-vue menées par la PJ peuvent durer quatre jours et rien n’indique que l’ancien militant nationaliste sera finalement inquiété. « Il faut laisser décanter », affirmait hier une source judiciaire à Marseille, où la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) centralise plusieurs dossiers de règlements de comptes.
Sorti indemne de la guerre entre nationalistes, il y a quinze ans, Alain Orsoni avait quitté la Corse pour s’occuper de jeux en Amérique du Sud, avant de revenir l’an dernier présider le club d’Ajaccio.
Sans plus, selon lui, mais « son retour en a gêné plus d’un, qui ne voulait pas d’un énième comparse dans la danse », note un haut responsable policier.
Il aurait été victime d’une tentative de règlement de comptes, à la fin août 2008, montée par des personnes en planque autour du stade d’Ajaccio un soir de match, puis avortée à cause de la présence policière. « Orsoni a compris que c’était chaud », assure ce policier.
Dans cette affaire, huit personnes, dont l’ancien maire UMP de Grosseto-Prugna, Marie-Jeanne Bozzi, viennent d’être mises en examen, en avril.
Ces personnes poursuivies pour « association de malfaiteurs en vue de la commission d’un homicide en bande organisée » sont des proches d’Ange-Marie Michelosi et soutiennent qu’Alain Orsoni a « couvert » le règlement de comptes dont Michelosi, considéré comme l’héritier de l’ancien parrain décédé Jean-Jé Colonna, a été victime en juillet 2008.
Alain Orsoni indiquait cet automne « n’avoir rien à voir avec les événements dramatiques qui ont endeuillé certaines familles ».
Pour l’instant, ni les flics, ni les voyous n’y voient clair dans le dézinguage général qui, depuis mars 2006, a envoyé ad patres au moins douze personnes liées au grand banditisme, dont des pointures de la Brise de mer.
« Dans ces périodes de tension, le conflit se manichéise, expliquait un avocat ajaccien au printemps. Il n’y a plus que des blancs et des noirs, même s’ils ne se connaissent pas. »
D’où d’incessants rééquilibrages entre bandes concurrentes. « Tout le monde a peur. A qui le tour ? », s’interroge un insulaire.
On tue pour « faire du préventif » ou éliminer un concurrent. « Et pendant que certains se battent, d’autres font fortune », remarque un policier.
On tue parfois dans « une course à l’échalote autour d’intérêts financiers », notamment liés au Padduc (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse), selon un magistrat bastiais : selon lui, « des appétits s’aiguisent » autour de ce schéma d’aménagement de l’île, en discussion, qui « ouvrira des possibilités de nouveaux programmes immobiliers ».
On tue aussi « pour des motifs futiles, une mauvaise parole, une histoire de femmes, et certains juste pour “se faire les épaules”, se plaint un proche de victime. La loi du sang prévaut. Cela donne encore des familles endeuillées. » Et des morts à venger : « C’est sans fin. »
MICHEL HENRY