Forza Milou

« Strictement confidentiel » : la mention s'étale sur la couverture de l'audit mené par le siège marseillais de PriceWaterHouseCoopers, l'un des principaux cabinets indépendants mondiaux, à l'Office public des HLM de Haute-Corse et remis au conseil général le 18 juin dernier. Et pourtant... Le public gagnerait sans doute à connaître les dessous de la gestion de l'Office. Ca tombe bien : club-corsica en révèle, pour vous, la teneur.

« Situation préoccupante (...) carences dans la gestion des marchés publics... » : aux HLM, tout va bien.
Les plus découragés pourraient s'arrêter à la lecture de la page 2 de l'audit, consacrée à la synthèse générale de la situation de l'OPHLM, qui préfigure le reste du document. Pêle-mêle, les auditeurs y décrivent une « situation préoccupante » dans tous les domaines : équilibre financier, climat social, achat public, qualité, performance, etc. Plus inquiétant : « des carences dans la gestion des marchés publics (...) font peser un risque réel sur l'ordonnateur », tandis que l' « organisation ne permet pas une mise en oeuvre efficace des moyens mobilisés. »
Gabegie et incohérences dans la gestion avaient pourtant été sévèrement critiquées après le passage de la MIILOS (Mission interministérielle d'inspection du logement social) il y a deux ans. En théorie, le diagnostic aurait du avoir pour conséquence le redressement de la situation de l'Office, d'autant que la mission avait pointé des pistes de réflexion et suggéré à la présidence une batterie de mesures destinées à redresser la barre. Las. C'est l'exact inverse qui a eu lieu et l'audit, pour faire bonne mesure, pointe ce fait étonnant : « les décisions prises de puis le passage de la MIILOS (...) ont encore dégradé la situation. »

L'ombre du clientélisme sur des « recrutements massifs »

C'est sans doute l'un des points les plus saisissants de l'audit, qui illustre le célèbre mode de gestion « à l'usu corsu » des organismes publics. Sous les termes choisis et les graphiques complexes, pointe l'accusation à peine voilée de clanisme, fondée sur une analyse pointue des modes de recrutement, des qualités des agents et surtout, de la période au cours de laquelle nombre d'entre eux ont été recrutés. Une période qui coïncide avec la nomination de Battì Raffalli, adjoint au maire de Bastia, comme nouveau président de l'Office et la montée en puissance, visiblement irrépressible, d'une politique de recrutement tous azimuts en 2005 et 2006. Deux ans avant les élections municipales... Ainsi, fait observer l'audit, alors que le ratio d'agents pour 1000 logements, déjà supérieur à la moyenne nationale, avait déjà été critiqué par la MIILOS, il s'est « dégradé par les recrutements massifs opérés récemment. » Un tiers des agents ont en effet signé un contrat entre 2005 et 2006. Curieux ? Cela n'est pas tout. Alors que l'Office semble manquer cruellement de cadres et voit ses effectifs dispersés sur trois sites, les recrutements ont été opérés principalement dans les catégories subalternes de la fonction publique et par le biais d'emplois « aidés » dont la création relève souvent du fait du prince. La moitié des emplois administratifs sont ainsi dévolus à des adjoints administratifs de 2ème classe (15 sur 31), les deux tiers des emplois techniques concernent des adjoints techniques de 2ème classe (24 sur 37, pour un Office qui ne compte... qu'un seul ingénieur !). Quant aux « contrats d'avenir », ils représentent 7 emplois, essentiellement créés en 2006.
Et à en croire l'audit, la chaîne hiérarchique est rien moins que flottante. « L'organigramme n'est pas opérationnel et n'est pas reconnu », « l'absence totale de gouvernance se manifeste notamment par une non reconnaissance de la hiérarchie », tandis que des agents ne savent même pas à quel « supérieur » s'adresser ! Sans oublier les « doublons sur certains postes » et des « agents mis en situation de responsabilité sans pour autant bénéficier des moyens nécessaires ». Fort heureusement, certains d'entre eux peuvent trouver ailleurs d'agréables consolations, puisque les primes de transports ont augmenté de 27% en un an, pour atteindre le confortable montant de plus de 150.000 euros... Quant aux rémunérations, elles ont augmenté de 8% par rapport à 2006 et de 10% par rapport à 2005... « Aucune explication n'a pu nous être fournie sur cette variation » note benoîtement le cabinet d'audit, qui résume d'autres « points forts » de l'Office : non recensement des départs à la retraite (plutôt gênant, puisque la moyenne d'âge est largement supérieur à celle des agents d'autres offices), aucun « plan de recrutement en fonction des besoins stratégiques », budget de formation notoirement sous-utilisé, etc.

Les « démarchés publics »

« Le dispositif actuel ne répond pas pleinement au code des marchés publics ». Ah, le doux langage des cabinets d'audit... Traduction : l'Office ne semble pas respecter les modes d'attribution des marchés publics et c'est plutôt embêtant. Pas pour tout le monde, cependant. Les entreprises qui interviennent régulièrement dans le cadre du poste « gros entretien divers », lequel ne fait l'objet d'aucune définition précise, peuvent ainsi se féliciter : en une seule année, ce poste a carrément augmenté de ... 44%! Un record jusque-là inégalé et qui tombe, fort opportunément en pleine période pré-électorale. Les marchés publics, eux, ont progressé de 41%, toujours en 2007, soit une hausse de 142% des achats effectués sous marchés. Un bon signe ? Voire. Décidément cruels, les auditeurs remarquent perfidement que pour 2005 et 2006, ils n'ont pu obtenir « le montant des marchés à bons de commande ». En clair : des marchés pour lesquels sont seulement précisés les montants minimaux et maximaux sur lesquels portera la commande. Un gage incontestable de transparence dans la gestion de l'argent public.
L'Office se montre en revanche plus frileux en matière d'investissements. Car « les budgets alloués aux investissements ne sont pas utilisés en totalité par l'OPHLM. » En 2007, sur des dépenses autorisées de 33 millions d'euros, seuls 8 millions ont été effectivement engagés dans des opérations.
Que contribuables et locataires se rassurent toutefois : la situation financière de « leur » office s'améliorera peut-être dans les années à venir. Si l'Office tient compte, naturellement, du « travail prospectif » du cabinet d'audit. Trois fois hélas, en introduction de ses « hypothèses » pour redresser l'OPHLM, celui-ci note, amer : « malgré nos relances nombreuses et régulières, l'office n'a pas été en mesure de nous communiquer l'ensemble des informations financières nécessaires à notre travail prospectif. »
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