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 l'accumulation financière "le mur de l'argent"

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vince
Nebosja Krupnikovic
vince


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l'accumulation financière "le mur de l'argent" Empty
MessageSujet: l'accumulation financière "le mur de l'argent"   l'accumulation financière "le mur de l'argent" EmptyMar 11 Mar - 19:03

Le texte ci dessous est un peu long mais instructif.

1 ère partie

Les économies occidentales ont connu par le passé des périodes de
grande mobilité internationale de capitaux. Les conflits entre pouvoir
financier et pouvoir politique émaillent également l’histoire des
sociétés occidentales. Le processus en cours est-il nouveau ?


Un regard sur l’histoire du capitalisme nous montre que les économies
occidentales ont connu par le passé, notamment dans la seconde moitié
du XIXe siècle, des périodes de grande mobilité internationale de
capitaux. Les conflits entre pouvoir financier et pouvoir politique
émaillent également l’histoire des sociétés occidentales. Quelle est
alors la nouveauté du processus en cours, si nouveauté il y a ?

Pour répondre à cette question, on peut se référer à l’expérience française
des années 1924-1926 avec le cartel des gauches. C’est à cette époque
que l’expression du « Mur de l’argent » a été pour la première fois
utilisée en France pour caractériser les conflits entre le pouvoir
politique et le pouvoir financier. Cette confrontation a en effet
provoqué la défaite du pouvoir politique à deux reprises, par la chute
des gouvernements Herriot et Caillaux. Cette expression a été également
abondamment employée durant les années 1930, et plus particulièrement
durant les années 1936-1938, sous le Front populaire qui devait
finalement mettre un terme à ces conflits répétés en modifiant le
statut de la Banque de France.

Ce qui mérite de retenir notre intérêt ici, ce sont les modalités précises
de cette confrontation. Sous le cartel des gauches, l’endettement de
l’État avait pris la forme d’une détention de bons du Trésor massive par les banques.
C’est en raison de cette détention que le gouvernement s’est retrouvé
progressivement à leur merci. Cette situation devait provoquer les
célèbres heurts d’E. Herriot avec ce qu’il dénonçait, à l’époque, comme
étant le mur de l’argent [1]. Précisons un peu plus le nœud du conflit.
La faiblesse du Trésor vis-à-vis des banques trouvait, à l’époque, sa
source en partie dans le fait qu’il existait non des mises aux enchères
des bons du Trésor, mais des négociations directes avec les banques. À
l’époque, certains ont dit que les banques avaient pratiqué un «
chantage » [2] sur le gouvernement en jouant sur les quantités de bons
qu’elles pensaient souscrire, cherchant par là une hausse significative
de leur rémunération.

La leçon que l’on peut tirer de ces
évènements, propres à l’histoire de France, est particulièrement
instructive. Dès que des banques, notamment les plus importantes, sont
capables de s’organiser entre elles, de former un « marché
interbancaire », où les négociations se mènent de gré à gré, leur
puissance est littéralement décuplée. Cette force se manifeste tout
d’abord par rapport au banquier central dont les actions en matière de
fixation de taux d’intérêt ou de réglage de la liquidité deviennent
largement subordonnées. Cette puissance se traduit ensuite sur
l’économie réelle par les mouvements de capitaux que les banquiers sont
en position de générer (fuite à l’étranger, spéculation sur la monnaie
nationale). Enfin, les enjeux sont parfois si considérables que cette
finance concentrée et organisée n’hésite pas à chercher la
confrontation avec le pouvoir politique dès que ses intérêts vitaux lui
paraissent être menacés (par des mesures fiscales, par exemple).

Évoquant dans cet article le « nouveau » mur de l’argent, nous voulons essayer
de démontrer au lecteur que l’histoire monétaire et financière que la
France a connue sur son sol entre les deux guerres est malheureusement
aujourd’hui en train de se répéter, mais, cette fois-ci, à l’échelle
mondiale. La finance mondiale a conquis son nouveau pouvoir et le
maintient actuellement par des processus analogues : importance des
marchés interbancaires de gré à gré (notamment du marché des swaps),
exercice d’un pouvoir de marché sur la formation des taux d’intérêt et
sur les commissions perçues ; enfin relégation des banques centrales à
un rôle second dans la régulation des marchés monétaires et financiers
mondiaux.

Un autre facteur, celui-ci nouveau, démultiplie le
pouvoir des grandes banques internationales : leur influence s’étend
aujourd’hui aux principales sociétés de gestion de fonds
internationales qui investissent l’essentiel de leurs avoirs dans les
firmes cotées en bourse. Cela leur ouvre non seulement la possibilité
de tirer des revenus de la valeur actionnariale, mais également
d’exercer un pouvoir d’allocation des capitaux à l’échelle
internationale.

Finalement, face à ce mur de l’argent qui
s’élève actuellement et dont la dimension est évidemment planétaire, la
question de savoir si la confrontation politique avec les citoyens de
la planète - et si oui, sous quelle forme - se pose de façon cruciale.
Peut-on imaginer un pouvoir de régulation qui soit opposable à cette
finance globalisée ?
L’ampleur de la globalisation financière

Est-on vraiment, à partir des années 1995, en présence d’un « mur de l’argent
» à l’échelle internationale ? Observons tout d’abord que personne ne
conteste que, par leur libéralisation et leur globalisation, les
marchés monétaires et financiers ont acquis, durant les années 1990,
une autonomie relative par rapport à la sphère de l’économie réelle.
Cet affranchissement aurait été probablement sans conséquences majeures
si la dimension prise par ces marchés avait été cantonnée dans des
proportions acceptables et raisonnables. Mais cela n’a pas été le cas.

En effet, le développement proprement phénoménal des marchés du
financement - et surtout de la couverture de ce financement - a créé
une situation entièrement nouvelle, dont il est urgent de prendre
l’exacte mesure, tant les problèmes posés par la puissance de la
finance libéralisée sont devenus aujourd’hui nombreux et même
inquiétants par leur ampleur même.

La plupart des travaux qui s’intéressent à la finance globalisée se heurtent à une difficulté
redoutable : disposer des données qui puissent offrir une vision
cohérente du fonctionnement des marchés monétaires et financiers
internationaux. Cet handicap ne permet pas de se faire une idée précise
de la place effective de ces marchés au sein de l’économie mondiale
actuelle. De même, cette absence de quantification minimale est une
gêne considérable pour analyser le type d’interaction qui peut surgir
entre la sphère monétaire et financière d’un côté, et la sphère de
l’économie réelle de l’autre.

Un des objectifs de cet article
est de rappeler comment une quantification des flux qui traversent, à
l’échelle internationale, la sphère monétaire et financière
internationale peut être conduite. Les données monétaires et
financières ainsi rassemblées, une fois mises en cohérence et
confrontées aux données réelles, donnent véritablement le vertige. Leur
ampleur justifiera que l’on puisse établir, de façon synthétique, un
premier constat économique, celui d’une sphère financière qui pèse de
tout son poids - qui est considérable - sur l’économie réelle.

L’unité de mesure : le téra-dollar

Dès que des grandeurs économiques dépassent un certain montant, on entend
souvent dire que les chiffres dont il est question n’ont plus aucune
signification. Chacun d’entre nous a déjà probablement fait sienne
cette remarque. Par exemple, qui n’est pas plongé dans des abîmes de
réflexion dès que l’on évoque, pour des chefs d’entreprise ou certaines
stars sportives, des salaires s’élevant à plusieurs dizaines de
millions d’euros annuels ?

Les mêmes limites se rencontrent
aussi chez des analystes ou des hommes d’entreprise lorsqu’il leur faut
raisonner sur des dizaines voire des centaines de millions de dollars
ou d’euros. Dans sa pratique quotidienne, chacun raisonne avec les
données de son environnement habituel. Avec, à chaque fois, un horizon
au-delà duquel la vue se brouille, les représentations s’estompent, et
finalement la signification disparaît.

Mais cela est également
vrai des responsables gouvernementaux dont l’univers chiffré et
comptable peut atteindre des paliers encore plus importants. Pour les
grands pays industriels, ces responsables doivent s’habituer à
comptabiliser les grandeurs économiques - dont ils sont pour partie les
gestionnaires - en milliards, voire en dizaines de milliards d’euros
(ou de dollars). Ces ordres de grandeur sont ainsi le lot quotidien des
ministres de l’économie et des finances lorsqu’ils gèrent par exemple
l’affectation des enveloppes budgétaires aux différents départements
ministériels ou bien encore lorsqu’ils doivent prendre des décisions
pour refinancer la dette publique de leur pays.

C’est aussi le lot quotidien des banquiers centraux, mais à une échelle encore plus
grande, lorsque, par exemple, ceux-ci sont conduits à intervenir sur le
marché des changes ou bien lorsqu’ils cherchent à évaluer le montant de
la masse monétaire et son évolution prévisible afin d’orienter la
politique monétaire de leur pays. Dans ce dernier cas de figure, il
faut pouvoir assimiler des grandeurs qui se chiffrent parfois en
centaines de milliards de dollars ou d’euros.

A ce stade, il faut comprendre que, même pour des acteurs chevronnés de la gestion du
bien public, il existe des réalités économiques ou financières encore
plus globales, plus « astronomiques » si l’on ose dire, celles qui sont
liées précisément à la globalisation financière.

Pourquoi alors est-il nécessaire de se représenter correctement ces grandeurs ? Est-ce
vraiment utile ? La réponse à ces questions devient en réalité urgente.
Non seulement, la perte de sens s’accroît chaque jour davantage pour le
citoyen de la planète-terre, mais le manque de compréhension et surtout
le manque de réactivité des principales autorités gouvernementales du
monde ne laisse pas d’inquiéter au regard des dangers et des défis,
devenus extrêmement concrets, que pose la globalisation financière.
Mais que recouvre précisément ce champ qu’il convient d’explorer ?


Dernière édition par vince le Mar 11 Mar - 19:12, édité 2 fois
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vince
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MessageSujet: Re: l'accumulation financière "le mur de l'argent"   l'accumulation financière "le mur de l'argent" EmptyMar 11 Mar - 19:04

2 ème partie

Puisque nous venons de mettre en évidence plusieurs niveaux d’appréhension et
d’interprétation possibles du jeu des forces économiques et des
grandeurs susceptibles de les mesurer, il faut maintenant franchir le
dernier niveau, qui est celui de la globalisation financière proprement
dite. Le vocable de « Téra » va nous y aider, car nous prendrons en
effet comme unité de compte pour la mesure de grandeurs économiques
liées à cette globalisation le Téra-dollar (T$), c’est-à-dire le
millier de milliards de dollars.

Le volume des transactions et des règlements internationaux (flux 2002)

L’observation
et la mesure, à l’échelle internationale, des transactions sur les
marchés globaux de la finance et du marché des biens et services
peuvent alors fournir une première évaluation de la liquidité qui
circule sur une période donnée. Nous avons opté pour cette mesure
l’année 2002.

La sphère économique mondiale

(Unité : Téra-dollar, année 2002)

Echanges et productions

Transactions sur dérivés 699,0
Transactions de change 384,4
Transactions financières 39,3
Transactions sur biens et services (PIB mondial) 32,3
Total, transactions interbancaires 1155,0

Monnaie de règlement

Etats-Unis (dollars) 405,7
Eurosystème (euros) 372,9
Japon (yens) 192,8
Autre zones monétaires 183,6
Total (règlements interbancaires) 1155,0


[3]

Comme ce tableau l’indique clairement, la liquidité qui transite sur les
marchés globaux de l’argent remplit aujourd’hui quatre fonctions
(colonne de gauche du tableau). Elle sert à régler les transactions de
couverture (achat de produits dérivés), les transactions d’une monnaie
en une autre (échange de devises), les transactions sur le marché du
financement (achat de titres financiers) ; mais la liquidité intervient
aussi dans le règlement d’autres transactions, celles que l’on observe
sur le marché des biens ou des services.

Le point très important à noter est le suivant : qu’il s’agisse des marchés de la sphère
financière, ou bien des marchés de la sphère réelle, toutes ces
transactions font l’objet de règlements monétaires, c’est à dire de
règlements dans une monnaie donnée, et par conséquent dans une zone
monétaire parfaitement délimitée (colonne de droite du tableau). La
liquidité nécessaire pour ces échanges est ainsi fournie, in fine, par
la banque centrale de la zone monétaire correspondante, sur un marché
particulier : le marché interbancaire, où s’effectue et se consolide
l’ensemble des règlements. Le tableau cherche ainsi à mettre en rapport
les transactions réelles (celles qui portent sur les biens et
services), avec celles qui relèvent de la finance globalisée. Il
réalise cette jonction en mettant, face à face, les transactions tous
types confondus, réelles et financières, d’un côté, avec les zones
monétaires de règlement, de l’autre.

Un trait frappe aussitôt :
les transactions relatives à l’économie réelle n’occupent qu’une part
infime du total des transactions. En effet, qu’il s’agisse des
transactions relatives aux biens et services (soit 32.3 T$ le PIB
mondial de l’année 2002), celles-ci ne se montent qu’à un peu moins de
3% des paiements monétaires de la planète [4] : c’est évidemment très
peu ; ou bien qu’il s’agisse des transactions commerciales
internationales, même constat : celles-ci, soit 8 T$, ne s’élèvent qu’à
2 % des transactions qui se réalisent sur le marché des changes [5]. La
somme des transactions réelles de la planète (production + échanges
commerciaux internationaux), soit 40,3T$, peut maintenant être comparée
par exemple à celle qui recense, sur le même espace et pendant la même
période, l’ensemble des transactions interbancaires, soit 1.155 T$. Le
rapport entre ces grandeurs est de 1 à 28, ce qui apparaît, dans une
première approche de cette confrontation, proprement vertigineux.

Cette présentation de données exprimées en « Téra » inspire plusieurs ordres de réflexion.

La première est de nature pédagogique. Il apparaît clairement que le choix
de cette nouvelle unité permet de faire des comparaisons immédiates et
compréhensibles grâce notamment à la simplification des données. On
observe ici, par exemple, que les transactions qui ont relevé de
l’économie réelle sur une année (soit le PIB mondial de cette année)
ont été nettement plus faibles, en valeur absolue, que celles qui ont
été générées par le seul marché des changes (32,3 T$ contre 384,4 T$),
soit un rapport de 1 à 12.

La seconde considération est d’ordre
plus analytique. Alors que ces deux dernières données reflètent bien,
toutes les deux, des flux (et non pas des stocks), une différence tout
à fait essentielle les sépare cependant. Dans un cas, le PIB mondial,
soit en réalité la somme des PIB de 199 pays, ne transcrit aucune
réalité économique globalement organisée à l’échelle mondiale : on
juxtapose, en les sommant, des grandeurs économiques relativement
autonomes (ces grandeurs sont cependant indirectement liées, mais pour
une part seulement, à la division internationale du travail que
traduit, par exemple, le commerce international). De plus, ces produits
concernent des milliers de biens et de services spécifiques. La
formation des prix de ces biens et de ces services obéit, par
conséquent, à chaque fois à des logiques différentes (marchés nationaux
/ internationaux, biens publics / biens privés, produits en concurrence
/ produits monopolistiques, etc.).

Dans l’autre cas, au contraire, le marché des changes est une entité qui possède
explicitement sa propre forme d’organisation ainsi que ses propres
règles de fonctionnement ; le résultat de cette organisation et de ces
règles est, par exemple, un taux de change euro/dollar que chacun peut
connaître à tout moment, et en n’importe quel point de la planète.

Ces réflexions ne peuvent qu’accentuer le vertige de la comparaison. À une
grandeur de valeur « financière » dont on peut saisir l’unité de
construction et dont les acteurs savent qu’ils peuvent interagir, par
leurs arbitrages, et en principe à tout moment (sauf problème de
liquidité), sur les segments qui la composent, s’oppose un agrégat «
réel » dont l’hétérogénéité est extrême en raison à la fois de la
nature de ses composants, du mode de leur production, enfin des
conditions de leurs échanges ou de circulation. C’est en raison de la
très forte asymétrie de composition et de dimensionnement de ces deux
grandeurs, mais aussi en raison du mode de déploiement du jeu des
acteurs autour de chacune d’elles, que nous défendons l’idée de la
capacité de la finance d’écraser, par son poids, l’économie réelle.

Ne
voit-on pas les conclusions que l’on peut tirer déjà d’une telle
analyse ? Par leurs masses et l’organisation dans lesquels elles
s’insèrent, certaines variables de la finance libéralisée apparaissent
comme des variables globales, et semblent désormais en capacité
d’exercer une influence décisive sur les variables de l’économie
réelle, précisément en raison du spectre « global » de leur action.

La troisième observation porte sur les marchés financiers au sens strict
du terme, c’est-à-dire sur les marchés où se réalisent les
achats-ventes d’actions et d’obligations sur l’ensemble des places
financières du monde. Là aussi, l’ordre de grandeur est frappant
puisque seulement 3,4% des règlements monétaires sont consacrés à ces
marchés, alors qu’ils sont pourtant considérés comme les marchés de
capitaux par excellence.

Pour ce qui est du reste des opérations
- soit 93,2 % -, celles-ci sont consacrées soit à des opérations de
couverture, soit à des opérations de spéculation ou d’arbitrage ; nous
allons voir un peu plus loin que les opérations de couverture utilisent
des produits dérivés pour se protéger, à terme, des risques liés à des
variations de prix ; quant aux opérations spéculatives, elles prennent
notamment en charge les risques que les opérations de couverture
transfèrent, mais pas seulement ; elles peuvent aussi s’enchaîner dans
des spirales complexes ; les opérations d’arbitrage enfin sont celles
qui jouent sur des différentiels de rendement instantanés entre
différents marchés. Toutes ces opérations sont des opérations
financières ; il est malheureusement impossible, dans les statistiques,
de distinguer entre ces différentes catégories. Ces opérations se
répartissent pour un peu plus d’un tiers sur le marché des changes
d’une part, et pour le reste, les deux tiers, sur le marché des
produits dérivés d’autre part.

Il reste enfin à observer que l’essentiel des règlements monétaires relatifs à ces transactions (voir
la colonne de droite du tableau) est très largement imputable aux pays
de la triade, Etats-Unis, Zone euro, et Japon puisque ces pays et leurs
zones monétaires concentrent 84.1% des règlements mondiaux [6].

Finalement, comme nous pouvons le ressentir intuitivement, l’énormité des chiffres
laisse pantois, surtout si on les rapporte aux données de l’économie
réelle ! Sur les marchés interbancaires, lieux par lesquels passent
toutes les transactions, il ne faudrait plus déjà faire l’évaluation de
ces échanges en Téra-dollars (T$), mais en Peta-dollars (P$) !
c’est-à-dire en milliers de milliers de milliards de dollars (ou pour
simplifier … si l’on peut dire, en millions de milliards de dollars…).
Le chiffre de 1.155 T$ (ou 1,15 P$) dépasse évidemment l’entendement
ordinaire ; il signifie cependant qu’à chaque seconde d’une journée de
24 heures, il s’échange, sur les marchés particuliers de la finance,
pratiquement 50 millions de dollars…

Dans ces échanges, un des éléments qui surprend le plus est la hiérarchie des marchés révélée
ainsi. Certes, comme nous venons de le voir, les marchés interbancaires
centralisent l’ensemble des règlements, d’où leur volume considérable.
Mais, à l’autre extrémité, les marchés financiers (ou marché des
capitaux) apparaissent, par leur montant, d’un poids très modique.
Pourtant, sont recensées ici l’ensemble des transactions de l’année
2002 sur les marchés boursiers – actions et obligations – de la planète
financière mondiale.

Quant au marché des changes, on connaissait
son importance ; les transactions qui s’y déroulent sont ainsi plus de
9 fois supérieures à celles du marché des capitaux. Mais le fait
véritablement frappant est l’importance prise par les transactions sur
les marchés des produits dérivés. Elles dépassent dorénavant, en
volume, et de loin, les transactions du marché des changes et cette
supériorité n’est pas prête, comme nous le verrons ultérieurement, de
faiblir, bien au contraire. Cette hiérarchie des marchés est
symptomatique, au sein de la finance globalisée, de la très forte
aversion au risque des intervenants puisqu’une grande part des
transactions (celle relative aux produits dérivés) est destinée à se
couvrir contre le risque … lié aux transactions monétaires ou
financières.

On peut retirer de ce premier examen des grandeurs
de la finance globalisée une double impression. Le gigantisme de
certains chiffres peut tout d’abord provoquer un profond sentiment
d’inquiétude, surtout en ce qui concerne le segment lié aux
transactions relatives aux produits dérivés. N’est-ce pas là le signe
probable, au-delà des opérations de couverture, d’une intense activité
de spéculation pure ? L’autre sentiment est celui d’un citoyen soucieux
de savoir si ce développement vertigineux de la finance est
véritablement maîtrisé par les autorités qui sont en charge normalement
de le réguler ; bref, qui est dans le poste de pilotage ? Se poser ces
questions, c’est malheureusement déjà entrevoir la réponse.
Les logiques d’expansion de la finance libéralisée

Quels sont les facteurs qui aboutissent à ériger, selon une logique
expansive, mais aussi une ligne inquiétante, le mur d’une finance
libéralisée ? Autre question majeure : l’expansion de ce mur ne
finit-elle pas par peser d’un poids considérable sur l’économie réelle.
Si oui, comment ? et par quels canaux ?

Les facteurs de l’expansion de ce mur sont au nombre de trois : il y a tout d’abord la
dynamique très particulière de la « valeur actionnariale » qui, tout en
façonnant la sphère de l’économie réelle, opère des prélèvements d’un
genre nouveau - et tout à fait redoutables - au profit de la sphère
financière. En second lieu, il faut insister sur l’amplitude atteinte
actuellement par les gains spéculatifs liés au fonctionnement des
marchés dérivés ; leur coût pour la sphère de l’économie réelle est
devenu exorbitant. Enfin, il faut examiner le nouveau rôle des taux
swaps dans le financement de l’économie mondiale ; leur « contrôle »
par les grandes banques internationales est certainement, pour la
sphère de l’économie réelle, facteur de coûts croissants. Ces facteurs
produisent, à chaque fois, un impact caractéristique sur la sphère
réelle, sous forme de prélèvements. Nous nous proposons d’examiner les
uns et les autres.

La valeur actionnariale : une redoutable dynamique de façonnage de la sphère réelle

Le mur qui se dresse actuellement est tout d’abord alimenté par la «
valeur actionnariale ». Mais que faut-il précisément entendre par cette
notion ? Il s’agit essentiellement de l’extraction d’une valeur au sein
des firmes qui va bien au-delà du profit considéré comme étant normal.
La production de cette « survaleur » est imposée par les actionnaires,
et en réalité par un certain type d’actionnaire seulement : les
investisseurs institutionnels et plus précisément ceux qui gèrent des
ressources pour le compte de tiers. Par leur nombre et par la puissance
de leurs participations dans le capital des firmes cotées, ces
investisseurs sont en mesure d’imposer aux directions des firmes un
certain nombre de normes en matière de gouvernance d’entreprise. Parmi
ces normes, il en est une qui, en quelque sorte, surplombe toutes les
autres : c’est la norme financière.

Avec l’exigence d’une rentabilité financière sur fonds propres de 15%, cette norme est
devenue le standard international à atteindre pour toutes les firmes
qui souhaitent voir dans leur capital la présence de ces grands
investisseurs [7]. L’introduction de cette norme est récente. Elle
s’est diffusée dans le monde entier à partir de la fin des années 80
sous l’influence des fonds de pension américains. Le point capital à
noter est par conséquent le suivant : les firmes sont actuellement
soumises, par cette norme financière, à une obligation de résultat.
Cela bouleverse complètement leur gestion, car précédemment elle devait
seulement réaliser, si l’on peut dire, le meilleur résultat possible
(obligation de moyen), et non pas un objectif quantitatif (15%) imposé
à l’avance et de l’extérieur. Or, atteindre un tel objectif est par
définition très difficile lorsque l’on sait que la croissance de
l’économie mondiale tourne aujourd’hui autour de 4% environ.



Dernière édition par vince le Mar 11 Mar - 19:10, édité 1 fois
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vince
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MessageSujet: Re: l'accumulation financière "le mur de l'argent"   l'accumulation financière "le mur de l'argent" EmptyMar 11 Mar - 19:06

3 ème partie

Une fois produite, cette survaleur doit revenir bien évidemment aux
actionnaires comme toute valeur supplémentaire créée par la firme.
Selon l’expression consacrée, il faut donc la faire « remonter », soit
par le biais de dividendes, soit par des mécanismes plus subtils comme
la « relution ». Cette dernière opération consiste pour la firme à
racheter ses propres actions pour les détruire et donc en réduire le
nombre. Non seulement ces rachats peuvent avoir un impact positif sur
le cours de bourse et permettre ainsi aux actionnaires d’engranger des
gains spéculatifs, mais surtout, une fois le capital de la firme
diminué de cette façon, le dividende par action versé aux actionnaires
se trouve mécaniquement accru, puisque le même bénéfice est réparti sur
un nombre d’actions diminué.



Ces nouvelles pratiques liées à la valeur actionnariale aboutissent non seulement à révolutionner le mode de management des entreprises, mais aussi à opérer des transferts de
risques massifs sur les entreprises, et, par ricochet, sur le monde du
travail : il faut « flexibiliser » le marché du travail ainsi que
l’organisation du travail. Les transferts de risque concernent
également les pays émergents, comme cela a été observé au moment des
crises financières de la fin des années 1990.



La gestion spéculative des risques par effet de levier : un coût de couverture exorbitant



L’extraction de la valeur se poursuit ensuite par « l’innovation financière »
produite notamment par les plus grandes banques internationales.
Celles-ci sont à l’origine des instruments de couverture qui circulent
sur les marchés organisés, ou encore, des contrats forward ou swaps qui
se concluent de gré à gré. Le but affiché de ces nouvelles pratiques
est de gérer les risques de toutes sortes, mais principalement ceux qui
sont produits par les marchés monétaires et financiers eux-mêmes [8].



La contrepartie à ces contrats dérivés sera, à chaque fois, un
investisseur financier qui fait un pari inverse à ceux qui cherchent à
se couvrir ; cet investisseur spécule ainsi et espère, au bout de cette
période, tirer un profit du contrat. Il y a par conséquent deux
contreparties par exemple dans un contrat future : celle qui cherche à
se couvrir (une firme ou un producteur) contre une évolution
défavorable du prix du sous-jacent (une hausse pour la firme, une
baisse pour le producteur) ; et l’autre partie (un investisseur
financier) qui contracte le future dans l’espoir, au contraire, de voir
le prix du sous-jacent évoluer en sens inverse.



Une firme peut également vouloir se protéger contre la volatilité des taux d’intérêt.
Lorsqu’elle contracte un crédit à taux variable ou bien emprunte sur le
marché obligataire, elle fait face à un risque de taux d’intérêt ; en
effet si le taux d’intérêt correspondant à son échéance augmente, le
service de sa dette va, lui aussi, augmenter. Mais, même si le taux
auquel elle emprunte est fixe, elle peut subir un préjudice si les taux
d’intérêt baissent. Le même raisonnement peut s’appliquer lorsque la
firme fait du commerce international. Elle doit alors faire face au
risque de change. Une variation du change entre le moment de la
négociation d’une opération internationale et le moment de son paiement
peut entraîner de moindres recettes, ou même des pertes, si le taux de
change de la monnaie de paiement varie entre temps. La production et la
gestion de produits de couverture (contre les risques de change, et
surtout contre les risques de taux) sont alors autant d’occasions de
prises de risque pour ceux qui acceptent d’en être les contreparties.
La spéculation est ainsi intimement liée au développement des produits
dérivés. Les gains spéculatifs peuvent être ici considérables en raison
des effets de levier que les marchés organisés de ces produits
autorisent. En effet, sur ces marchés, il n’est pas nécessaire de
disposer intégralement des ressources normalement exigibles, par
exemple pour effectuer des actes d’achat. Avec le développement
explosif des marchés des produits de couverture et de spéculation, les
occasions de prélèvement (grâce à chaque fois aux coûts de transaction
liés à ces opérations) se multiplient et deviennent d’autant plus
importantes que ces marchés se développent de façon exponentielle.



Alors que ces marchés étaient pratiquement insignifiants durant les années
80, leur volume actuel ne cesse d’interroger (1000 T$ en 2005). Certes,
la montée des incertitudes, elle-même liée à la libéralisation des
marchés monétaires et financiers, explique en partie ce formidable
développement. Mais ce n’est pas tout. Derrière chaque opération de
couverture, il y a toujours un opérateur qui accepte de se charger du
risque à venir. C’est la définition même du spéculateur. Par exemple,
sur le marché du gré à gré des contrats swaps, ce sont les banques qui
acceptent de prendre le risque en concluant de telles opérations. Mais,
elles-mêmes cherchent à se couvrir contre les risques qu’elles prennent
ainsi, par d’autres contrats swaps, créant de ce fait des chaînes de
couvertures mutuelles, qui génèrent à chaque fois des foyers de risques
systémiques.



Les taux swaps « sous contrôle » des grandes banques : un coût de financement croissant



Enfin, avec un levier plus considérable encore, la valeur peut être extraite
de la sphère réelle, et contribuer à élever encore un peu plus le mur
de l’argent, quand certains acteurs sont en capacité de maîtriser les
conditions de financement d’une économie. Mais, quand cette économie
s’appelle l’économie mondiale, on comprend alors que les enjeux
deviennent ici considérables.



Or, les plus grandes banques internationales sont en mesure aujourd’hui de peser sur l’évolution des taux d’intérêt grâce aux "taux swaps" qu’elles proposent à leurs
clients (sur des marchés de gré à gré). qui ne sont pas autre chose que
le taux fixe du contrat swap proposé par la banque. Ce point
fondamental mérite d’être précisé. Le marché des swaps est un marché
délocalisé, c’est à dire non organisé dans une bourse ; les contrats se
réalisent de gré à gré, essentiellement avec les banques. Ces contrats
restent par conséquent confidentiels alors que les opérations sur
produits dérivés négociés en bourse sont publiques. Étant donné que les
contrats swap ne sont pas standardisés, les contreparties peuvent
adapter les flux de trésorerie à leurs besoins.



Or, les swaps sont devenus tellement importants que, depuis plusieurs années (une
dizaine environ), ce sont leurs taux d’intérêt qui sont retenus dans
les analyses des marchés et des évolutions des taux d’intérêt. Ainsi,
pour le calcul d’un forward, on prendra le taux d’un swap au lieu du
taux "théorique" d’un placement sans risque à durée équivalente [9].
Les swaps sont devenus ainsi le moteur de l’activité financière du
monde industrialisé. L’activité du marché des changes, par exemple, est
constituée pour deux tiers environ de swaps (et plus particulièrement
de ceux sur taux d’intérêt). Mais voici le point déterminant. La courbe
des taux swaps (c’est à dire la gamme des taux fixes que proposent
dorénavant les banques) est devenue, depuis quelques années seulement,
la référence quasi-exclusive des marchés monétaires et financiers
internationaux, aux dépens notamment de la référence que constituaient
auparavant les taux d’intérêt pratiqués sur les titres d’Etat.



Le marché de gré à gré des swaps est ainsi dominé par un petit groupe de
banques (notées au moins AA/Aa [10]) qui offrent une large gamme de
produits sur mesure et assurent la liquidité des contrats standards
[11] . Dans le cadre d’un échange de taux, ce sont ces grandes banques
internationales qui arrêtent, après négociation, les taux fixes contre
eurodollars. Ces pratiques se sont développées en raison de la
liquidité réduite des titres d’Etat ; en effet ces derniers titres,
parce qu’ils sont d’une garantie totale (par exemple notés AAA par
l’agence de notation Standard & Poor’s), circulent très peu ; ils
sont conservés systématiquement dans le portefeuille des investisseurs.
En raison de la faible liquidité de ces titres (notamment américains,
mais pas seulement), les banques ont été obligées de rechercher des
instruments plus efficaces comme les contrats d’échange [12]. Le
segment des contrats d’échange de taux en euros est actuellement l’un
des plus importants et des plus liquides du monde.



La courbe des taux de ces contrats s’impose alors comme référence sur les marchés financiers en euros.



Certes, les Banques centrales, et notamment la Fed, peuvent continuer à donner
l’illusion de maîtriser les taux d’intérêt les plus courts, et
notamment les taux au jour le jour. Mais nul n’ignore que ces taux
subissent de plus en plus nettement les influences de marchés, et
notamment des marchés dérivés. À l’autre bout du spectre, les taux
longs ont fini par s’émanciper de toute tutelle, et notamment de celle,
indirecte, de la Fed ; ils ne sont donc soumis qu’aux seules forces du
marché (principalement le marché obligataire américain). Mais là aussi
ces emprunts sont de plus en plus « swapés » pour reprendre un jargon
professionnel.


Mais, entre les taux les plus courts et les taux longs s’intercalent plus directement les taux swaps qui sont soumis,pour l’essentiel, au pouvoir de marché des plus grandes banques
internationales. Celles-ci sont aujourd’hui en mesure d’influencer la
formation des taux d’intérêt à l’échelle planétaire puisque leurs taux
sont devenus aujourd’hui, comme nous venons de le voir, les « taux
référents » des marchés.



Ici, le mur de l’argent prend malheureusement toute sa signification. La libéralisation financière a permis aux taux d’intérêt de s’émanciper de la tutelle des États ; la
globalisation financière va beaucoup plus loin ; elle permet
aujourd’hui à des pouvoirs privés, celui des grands groupes bancaires
internationaux, de fixer en grande partie l’évolution de ces mêmes taux.

De nouveau, les taux d’intérêt ne sont plus vraiment « libres ». Avant
l’indépendance des banques centrales, ils étaient largement sous
l’influence des « autorités monétaires », c’est-à-dire, en clair,
essentiellement sous l’autorité des gouvernements à travers les
ministres de l’économie et des finances. A l’époque, les mécanismes
relatifs à l’encadrement du crédit permettaient de maîtriser à la fois
le volume des crédits alloués à l’économie et en même temps de
contrôler les taux d’intérêt, souvent maintenus en termes réels, il est
vrai, à des niveaux artificiellement bas. La puissance publique pouvait
pleinement exercer sa souveraineté monétaire dans un cadre
macroéconomique national.



Ce temps est bien révolu. Les frontières monétaires et financières ont volé en éclat. Les taux
d’intérêt subissent aujourd’hui le pouvoir d’un oligopole extrêmement
puissant qui s’est installé dans le poste de commande du financement de
l’économie mondiale. Ce pouvoir-là est tellement incommensurable qu’il
justifie, ici, et à lui seul, l’appellation d’un « nouveau mur de
l’argent » dont les pouvoirs grandissants ne peuvent qu’impressionner
et inquiéter. Le poids de ce mur écrase aujourd’hui l’économie réelle
par les prélèvements exorbitants qu’il opère.



Tel est l’environnement, totalement nouveau, dans lequel le financement des
firmes est actuellement conduit. Ce contexte s’ajoute à la pression
continue et puissante qu’elles subissent en raison de la
financiarisation de leur gestion.


Dernière édition par vince le Mar 11 Mar - 19:12, édité 1 fois
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vince
Nebosja Krupnikovic
vince


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MessageSujet: Re: l'accumulation financière "le mur de l'argent"   l'accumulation financière "le mur de l'argent" EmptyMar 11 Mar - 19:07

4 ème partie

Pour conclure

Lorsque l’on cherche à cerner les forces dirigeantes qui sont à l’œuvre dans le
nouveau régime d’accumulation, une réalité émerge fortement, depuis une
dizaine d’années : le pouvoir devenu considérable des plus grandes
banques internationales. Celles-ci sont le plus souvent à l’origine de
l’innovation financière liée aux produits dérivés ; elles dominent le
marché des swaps au point d’exercer un pouvoir de marché sur la
formation de leur taux, taux qui sont aujourd’hui les taux référents de
l’ensemble des marchés monétaires et financiers ; enfin, depuis peu,
elles ont pris le contrôle des sociétés qui gèrent les fonds
d’investissement pour le compte de tiers, qui sont à l’origine de la
valeur actionnariale et, par conséquent, de la financiarisation de la
gestion des firmes. En raison de leur petit nombre d’une part et de
leurs profits financiers considérables d’autre part, nous défendons
l’idée que ces banques forment aujourd’hui un oligopole
particulièrement puissant à l’échelle internationale. Reléguant les
banques centrales au second plan, c’est-à-dire les cantonnant à de
simples pourvoyeuses de la liquidité dont il a besoin, cet oligopole
est le véritable régulateur des marchés monétaires et financiers
mondiaux. C’est lui qui est le maître d’ouvrage du mur de l’argent qui
se bâtit sous nos yeux.



Cet oligopole n’est évidemment soumis ni à un contrôle politique, ni a fortiori à un contrôle démocratique. Tout juste est-il contraint par des règlements prudentiels de portée limitée
et élaborés pragmatiquement a posteriori, ou encore par des normes
issues d’une autorégulation professionnelle, une fois que les
difficultés ou les catastrophes ont été malheureusement constatées.



La question qui se trouve désormais posée est donc bien celle d’une
régulation des activités de cette finance globalisée et de ce noyau
oligopolistique. Comment produire les contre-pouvoirs efficaces face
aux tentations hégémoniques de cette sphère et de ses principaux
acteurs, dont le résultat est une croissance des inégalités et une
instabilité chronique [13] ?



Ce n’est pas non plus du côté des politiques économiques nationales qu’il faut trouver le remède à cette situation. De ce point de vue, la pertinence de la macroéconomie, comme
discipline cherchant à comprendre les ressorts d’une économie
nationale, atteint, dans le contexte actuel de cette globalisation
financière, rapidement ses limites. Quelle peut être en effet
l’efficience de politiques économiques menées dans le seul cadre
national (et dans une moindre mesure à l’échelle plus grande de blocs
régionaux) ? Que devient la policy mix qui articulait
traditionnellement politique monétaire et politique budgétaire ? Qui ne
voit pas le choc durable que peut provoquer l’irruption de variables
globales (comme les taux de change, le niveau des taux d’intérêt à long
terme, ou encore celui des taux des contrats swaps) dans la conduite
des politiques économiques ? Poursuivons. L’impuissance des politiques
économiques, si elle est avérée, ne peut que conduire à mettre en cause
également, sur un plan plus large, la cohérence et l’efficience des
politiques publiques. N’y a-t-il pas là une des causes, sans doute
majeure, des impuissances gouvernementales à gérer les équilibres
économiques et sociaux de nos sociétés ?



Nous touchons avec cette dernière question, le contenu potentiellement explosif des
rapports entre cette finance globalisée et la démocratie.



On peut en faire le constat : d’un côté, des sociétés démocratiques en
Europe, mais aussi un peu partout dans le monde, voient se succéder des
majorités alternantes, avec souvent des basculements forts, qui
traduisent des mécontentements profonds (comme en atteste également
l’installation durable d’extrémismes nationalistes) ; on y dénonce
l’absence de projets, ou lorsqu’il y en a un, celui-ci se borne à
demander « l’accompagnement », jugé inévitable, de la mondialisation
économique ; il faut par conséquent « s’adapter » à cette nouvelle
donne par des « réformes indispensables ». De l’autre côté, une finance
libéralisée et son noyau oligopolistique de plus en plus puissants,
avec ses propres codes et ses propres valeurs, ne rencontrent guère
d’obstacles sur leur chemin. Certes, des bulles et des scandales
émaillent son expansion ; mais, l’adaptation des règles prudentielles,
l’adoption de chartes de bonne gouvernance, ou le renforcement des
autorités de régulation ont pour objectif de pallier les erreurs de
parcours qui sont jugées seulement regrettables.



La question redoutable posée par cette expansion est donc en définitive de savoir
si la finance globale n’exerce pas des effets dissolvants sur nos
sociétés démocratiques.



Compte tenu de la disparition progressive des cadres macroéconomiques traditionnels, de l’impuissance constatée des politiques économiques et publiques, de la montée des
déséquilibres économiques et sociaux, il est légitime de se demander si
cette globalisation financière n’est pas une des causes directes de ce
qu’il faut bien appeler la crise du politique que traversent nos
sociétés démocratiques [14]. Cette crise ne se nourrit-elle pas de
l’absence de projet en raison précisément de l’absence de moyens ou de
marges ? N’alimente-t-elle pas aussi la dissolution du lien social en
raison du repli général sur des valeurs individuelles ?



Pour refonder une démocratie basée tout aussi bien sur des valeurs de
solidarité que sur des valeurs individuelles, ne faut-il pas penser
désormais autrement pour agir autrement ? Peut-on laisser des pouvoirs
privés, aussi concentrés et puissants, dans le poste de commande de la
finance globalisée ? Faut-il continuer à laisser faire ? Pour faire
front, la question qui se pose aujourd’hui est bien certainement celle
de la mise en place d’un contre-pouvoir effectif, face à ce nouveau mur
de l’argent. La réponse ne peut pas être seulement partielle comme, par
exemple, la taxe Tobin. Celle-ci ne s’intéresse qu’aux flux de capitaux
à court terme qui transitent sur le marché des changes, soit un
compartiment très particulier de l’un des marchés de cette finance
globale. À question globale, ne faut-il pas une réponse globale ? D’où
une proposition évidente pour une nouvelle architecture de régulation :
la création, au sommet de ce système, d’un régulateur global, qui sera
en capacité de faire face à cette finance internationale, non pas à
travers un seul de ses compartiments, aussi important fût-il, mais
conjointement à l’ensemble de ses activités.



Source : http://www.mouvements.asso.fr/spip.php?article141
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