c'est long, mais très instructif

Vous en avez sans doute entendu parler des déclarations du 1er ministre hongrois qui ont fuité et qui créent tant de troubles. Franchement ça vaut le coup de les lire parce qu'au-delà de l'affaires mensonges d'état, c'est passionnant! On voit de l'intérieur ou presque, comment et pourquoi un pays se gouverne, la fascination pour le pouvoir, le goût du pouvoir et la dérive du pouvoir par rapport au mandat donné par le peuple dont finalement, il est assez peu question.

C'est extrait de

Citation :

VERBATIM • Ferenc Gyurcsány : "Nous avons menti le matin, le soir et la nuit !"

Extraits du discours confidentiel du Premier ministre hongrois, tenu le 26 mai 2006 lors d'une réunion à huis clos de la fraction parlementaire de son parti (MSZP, socialiste). La diffusion d'un enregistrement sonore de ce discours par la radio publique hongroise a provoqué des émeutes à Budapest.


"Nous n'avons plus tellement le choix. Nous n'en avons plus, parce que nous avons tout foutu en l'air. Non pas un peu, mais complètement. En Europe, il n'y a pas un pays qui ait fait une connerie aussi colossale que nous. Cela s'explique.

Evidemment, nous avons menti tout au long de ces 12-18 derniers mois. Il était parfaitement clair que ce que nous disions n'était pas vrai. Nous avons dépassé les potentialités du pays dans de telles mesures que c'était inimaginable. Il était inimaginable que le gouvernement du Parti socialiste hongrois allié aux libéraux puisse le faire un jour.

Et, avec ça, nous n'avons rien foutu pendant quatre ans. Rien. Je ne peux citer aucune mesure importante dont nous puissions être fiers – à part le fait que le gouvernement a réussi à se démerder à la fin en gagnant les élections. Rien. Quand il faudra faire le bilan devant le pays, et montrer ce que nous avons fait pendant quatre ans, qu'est-ce qu'on va dire ? […]

On peut traînasser encore un peu, mais pas longtemps. L'heure de vérité sonnera rapidement. La divine Providence, l'abondance de l'économie mondiale et des centaines de combines – dont je ne dois évidemment rien savoir – nous ont aidés à survivre. Mais c'est la fin de l'histoire. C'est la fin ! Et, bien sûr, nous ne devons pas réfléchir trop longtemps.

On peut faire une flopée d'analyses chiantes sur la fin de tel ou tel groupe social. Mais je dois vous dire, les gars, nous ne pouvons pas nous lancer dans des analyses durant des semaines. Nous ne le pouvons pas. Il faut dire dès le premier jour ce que nous devons faire pour obtenir une rectification du budget. Pour que la nouvelle législation fiscale puisse entrer en vigueur dès le 1er septembre. On peut poursuivre les analyses pendant quelques semaines, mais viendront les gens dont c'est le métier et ils nous diront qu'ils avaient déjà bouclé leurs analyses. Que c'en est fini de la Hongrie. […]

L'équipe à laquelle vous avez confié la tâche est à peu près capable de l'assumer. Elle est à peu près capable de présenter un programme. Il y a sans doute une autre équipe qui pourrait faire autre chose. Nous, nous ne pouvons faire ni plus ni mieux. Nous n'en serons pas capables. Même si on en crève. Il y a du boulot, un boulot honnête qu'il faut abattre. Je ne parle pas [du programme] "nouvelle Hongrie", du développement, des Hongrois d'au-delà des frontières, de nos relations avec les Eglises et de mille autres choses, car, par rapport à l'objectif principal, ces sujets n'ont pas beaucoup d'importance. A propos de chacun de ces sujets, nous ferons des propositions de fond, des propositions importantes et profondes, dont certaines vont même surprendre. Mais par rapport au tout, par rapport à toutes les décisions que nous devons prendre entre nous, celles-ci n'ont pas trop d'importance. La réforme ou la chute : il n'y a rien d'autre. Et quand je dis chute, je parle de la Hongrie, je parle de la gauche, mais je parle aussi de moi-même. Et maintenant, je veux vous confier quelque chose, en trois minutes.

Faire de la politique, c'est fantastique. Fantastique ! Il est fantastique de gouverner un pays. Personnellement, si j'ai réussi à traverser ces dix-huit derniers mois, c'est parce que j'avais une seule ambition montrer à la gauche qu'elle pouvait y arriver, qu'elle pouvait gagner, qu'elle ne devait pas baisser la tête dans ce putain de pays. Qu'elle ne devait pas avoir la trouille devant un Viktor Orbán et la droite, qu'elle apprenne enfin à ne pas se mesurer à eux mais au monde. C'est ce qui m'a donné la foi, voilà pourquoi ça en vaut la peine. C'était grandiose, j'ai adoré ça, ce fut le plus beau chapitre de ma vie.

Ce qui me donne la foi aujourd'hui, c'est le fait que nous écrivons l'Histoire. Non pas pour les livres d'histoire, ça, je m'en tape, je me fous de savoir si nous y serons ou pas. Si moi j'y serai. Ça ne m'intéresse pas. Ferons-nous quelque chose de grand ? Dirons-nous que, putain ! ils sont venus pour quelques jours, ils ont osé agir et ils n'ont pas chicané sur ces foutus frais de déplacement, bordel !

Quelques-uns sont venus et ils n'ont pas chicané sur les places qu'ils auraient ou pas à la tête d'une région. Ils ont compris que l'on voulait faire autre chose avec ce foutu pays ! Ils comprennent que faire de la politique en ce début du XXIe siècle vaut la peine uniquement pour créer un autre monde ! Uniquement pour ça ! Il y a mille autres façons pour faire carrière.

Je sais, je sais, c'est facile à dire. Inutile de me le jeter à la figure tout le temps. Pourtant, ça en vaut la peine uniquement pour ça ! Pendant un an et demi, nous avons fait semblant de gouverner, j'en ai presque crevé. Au lieu de gouverner, nous avons menti le matin, le soir et la nuit ! Je ne veux plus faire ça ! Ou bien nous faisons ce que nous avons à faire avec l'homme qu'il faut pour ça, ou bien il faut le faire avec quelqu'un d'autre.

Citation :

Chacun doit se dire que, pour un salaire mensuel de 2 000 euros, il va faire son travail, ce qui est bougrement important, surtout quand on n'a plus d'autre profession, je le sais bien. Chacun doit se demander s'il est capable de passer outre aux événements des quinze dernières années et de s'enraciner dans un autre terrain, ou s'il pense que les quatre années à venir seront comme celles d'avant, auxquelles nous avons survécu, putain ! On a eu assez de Premiers ministres, nous supporterons ce mec aussi. Nous, de toute façon, d'habitude on reste en place. Ça se peut, j'ajouterai même que c'est un raisonnement légitime qui ne me blesse pas. Pas le moins du monde. Dans notre fraction, il y a plusieurs personnes capables d'être Premier ministre. Moi, je dis que chacun doit inspirer profondément, boire une sacrée quantité de vin, dormir quelques nuits et se demander s'il est capable de dire autre chose que ce qu'il a dit ces dernières années ; il doit arriver à se dire : bordel ! je dois peut-être dire autre chose, puisque, visiblement, nous n'arrivons jamais à nous mettre d'accord. […]

La réforme, ce n'est pas que les autres changent. La réforme ne consiste pas à se hisser sur une tribune et à prêcher le bon peuple. La réforme, c'est se demander si nous sommes capables de reconsidérer un certain nombre de points de tout ce que nous pensons et faisons. Et, par rapport à ça, la tâche des premiers mois – la réévaluation – n'est qu'une simple contrainte. Je dois l'avouer. Vous vous trompez si vous croyez que vous avez le choix. Vous n'en avez pas. Moi non plus.

Aujourd'hui, votre unique alternative est d'influer sur les événements ou de tout laisser s'écrouler, bordel de merde ! La solution n'est sûrement pas parfaite, vous avez raison. Sûrement pas. Seulement nous n'en connaissons pas de meilleure. Une solution sur laquelle la majeure partie de la profession se mette d'accord, que les marchés acceptent, que le parti de la coalition accepte, une solution dont, chez nous, quelques personnes au sommet disent que c'est à peu près bon. […]

Je pense, les gars, qu'il y aura des conflits. Oui, il y en aura. Il y aura des manifestations, c'est sûr. Il est possible de manifester devant le Parlement, mais tôt ou tard, ils s'en lasseront et rentreront à la maison. On ne peut aller jusqu'au bout que quand on croit en l'essentiel et quand on s'entend sur l'essentiel. Mais quand on veut éviter les conflits, quand on craint de heurter des intérêts, alors il ne faut même pas commencer. Il ne faut pas. […]

D'ailleurs d'après les expériences des quatre dernières années, comme d'après celles du gouvernement de Gyula Horn, ce qui fait tomber une majorité, ce n'est pas ce que l'on fait, ni ce que l'on ne fait pas. Mais alors, c'est quoi ? Bordel ! Il faut faire un premier pas, il faut savoir ce que nous voulons faire ! Les premières années seront terrifiantes, bien entendu. C'est sans importance si seulement 20 % de la population se prononce pour nous (dans les sondages). L'été dernier, pour la première fois depuis huit ans, seulement 18 personnes sur 100 ont dit qu'elles allaient voter pour nous. C'était l'été dernier, les gars ! Un an plus tard, nous avons gagné les élections.

Que diriez-vous si nous perdions notre popularité non pas à cause de nos chamailleries, mais parce que nous défendons de grandes causes sociales ? On se moque de perdre temporairement le soutien du peuple, on le reconquerra plus tard. Parce que l'on nous comprendra. Et l'on pourra alors se déplacer tranquillement en province, et dire que nous y sommes arrivés, nom d'une pipe ! Le sort de tout le monde ne s'est pas amélioré ? Peut-être. Mais le sien, le sien et le sien, oui. Et puis on aura enfin construit des logements universitaires dans ce pays pouilleux ! Voilà de quoi parle la politique ! Et non pas de qui d'entre nous deviendra maire d'arrondissement et combien d'adjoints il aura. Ça aussi c'est important, je le sais. Je ne suis pas naïf. Mais cette question ne figure pas parmi les cent affaires les plus importantes du pays, et c'est nous, nous ! qui décidons laquelle nous traitons. Et ce pays mériterait, mais nous aussi, que nous nous attaquions à de telles tâches.

Bref, ce que je peux vous dire, c'est : allons-y, faisons-le. Vous avez raison de m'avertir, de vous faire du souci pour moi. Je ne sais qu'une chose : je ne jouerai aucun jeu. Ni comme ci, ni comme ça, nous faisons notre travail, c'est tout. Tant que nous pourrons avancer à grands pas, nous avancerons. Quand on ne pourra pas avancer et quand vous m'expliquerez que la réforme, d'accord, mais que ce n'est pas de moi que vous avez besoin, j'écrirai alors de sacrés bons livres sur la gauche hongroise moderne. Voilà, les gars, dois-je encore dire quelque chose ou ai-je suffisamment parlé ?" (Rires et applaudissements.)

La question est:
comment ça a filtré? un agent double? un espion?
:007:

je dois êtres bizarre mais je m'attendais à pire
Finalement y a pas de scandale il remonte les bretelles à ses troupes, et je trouve même qu'il a de l'ambition pour son pays. C'est le langage qui est crue, certes, mais là c'est sans langue de bois, c'est entre eux, c'est naturel.

Il crache pas sur ses concitoyens mais il met bien en avant qu'ils n'ont fait que mentir...

Tenimi a écrit:

Il crache pas sur ses concitoyens mais il met bien en avant qu'ils n'ont fait que mentir...

evidemment mais c'est de la com', et en même temps il le reconnait et il dit qu'ils peuvent plus continuer comme ça. Regarde quadn Orange, SFR et autres communiquent sur la "liberté" en vendant leur abonnement téléphonique... alors qu'un abonnment par définition c'est l'antithèse de la liberté, t'es obligé de payer pendant 12 à 24 mois, t'es prisonnier en fait.
En fait le GROS truc c'est qu'il admet avoir menti, il est pris sur le fait mais quel homme politique ne ment pas ?

de façon assez paradoxale, ça rend le personnage sympathique.. Je m'attendais à un gros cynique et ce n'est pas ça.

Ca me fait penser à ce que doivent avoir un DSK ou un Fabius dans le ciboulot depuis le début des années 90...

Et ce qu'ils se diront entre eux lorsqu'ils (ou leurs successeurs) prendront le pouvoir après avoir promis la semaine de 30 heures, un smic à 1500€, et un revenu mensuel garanti de 1000€ pour tous... alors que la Sécu et l'Etat seront en cessation de paiement et dans l'incapacité de payer les pensions, prestations et retraites.

Sinon, l'été s'est-il bien passé pour tous?

merci!! Super vacances

CPP a écrit:

Ca me fait penser à ce que doivent avoir un DSK ou un Fabius dans le ciboulot depuis le début des années 90...

Et ce qu'ils se diront entre eux lorsqu'ils (ou leurs successeurs) prendront le pouvoir après avoir promis la semaine de 30 heures, un smic à 1500€, et un revenu mensuel garanti de 1000€ pour tous... alors que la Sécu et l'Etat seront en cessation de paiement et dans l'incapacité de payer les pensions, prestations et retraites.

Sinon, l'été s'est-il bien passé pour tous?

Une fois que tout est dilapidé, on doit serrer la ceinture...